"Inconnu de l'autre"

Voilà donc mon premier roman, le tout premier que j'ai écris, car avant cela je n'écrivais que des nouvelles et des chansons. En partie inspiré de ma propre histoire, j'ai écris ce livre en rêvant dans happy-end, du happy-end que nous n'avons pas eu. C'est quand même en grande partie de la fiction, mais il fallait que je raconte certaines choses que je n'arrive pas à dire orale, donc j'ai écris ça.


Un père, aidé d'un médecin, va séparer ses jumeaux à la naissance à l'insu de sa femme. Les deux garçons évoluent séparément puis finissent par comprendre, grâce à leurs sentiments et à une suite d'événements, que leur statut d'enfant singulier est un mensonge !

Usant de moyen multiples, pas toujours légaux, ils vont tout faire pour percer le mystère qui entoure leur naissance et faire éclater la vérité au grand jour et à n'importe quel prix.

Arriveront-ils à faire toute la lumière sur un tel mystère ?



Voilà les 4 premiers chapitres du roman. Et tout en bas de la page des liens vers des livres et des films sur le même sujet.


PROLOGUE :
Un jeune couple attend deux petits garçons, la fin de la grossesse est proche.
Ils sont un peu inquiets, ce seront leurs premiers enfants et en avoir deux d’un seul coup leur fait un peu peur.
Mais la mère se dit que tout ira bien, qu’ils s’en sortiront, parce qu’ils sont ensemble et qu’ils désirent ces enfants plus que tout.
Le père, lui, est un peu plus étrange depuis qu’ils savent qu’il y a deux bébés.

Le jour de l’accouchement, on explique à la mère, sans trop s’attarder, que le premier est mort-né. Elle passera une petite semaine à la maternité avant de pouvoir rentrer chez elle avec le jumeau survivant et son mari.

Tandis que ce premier couple sort de la maternité visiblement heureux malgré leur perte, un autre couple du même âge est en attente d’une réponse pour l’adoption d’un petit garçon.
Car après la naissance, avec beaucoup de difficultés, de leur fille, on leur a appris qu’ils ne pourraient pas avoir d’autre enfant. Une nouvelle grossesse serait bien trop risquée pour la mère comme pour l’enfant.
La réponse leur parvient positive, ils se rendent donc au centre d’adoption de la ville pour aller chercher leur fils.

On pourrait croire à un vrai bonheur, mais les peurs d’un homme, la cruauté d’un autre et les sentiments des enfants risquent de perturber leur petit monde et la vie de ces deux couples.


1

Il est 17 h 15, un lundi de novembre, la ville de Melercreek voit le soleil dériver à l’horizon, ce qui donne une jolie couleur rouge orangé au ciel.
Un jeune couple - jeunes parents - sort de la maternité un sourire aux lèvres et dans un couffin un petit garçon s’agite. Ils rentrent enfin chez eux, après une semaine pour se faire à l’idée d’être trois, le petit Samuel va pouvoir découvrir la chambre que ses parents ont préparée en attendant sa venue.
Une grande maison, avec un jardin où, plus tard, il jouera avec ses amis. La chambre est grande, au centre il y a un joli berceau de bois, il y a également de nombreuses peluches et divers jouets d’enfant offerts par la famille.
Le père a peint les murs en bleu, sachant depuis plusieurs mois que ce serait des garçons.

Trois ans ont passé, Samuel est entré à l’école maternelle de son quartier. C’est un petit garçon très intelligent et plein de vie, pourtant il a un regard triste, il n’y a pas cette flamme dans son regard, comme s’il manquait quelque chose dans sa vie, un manque qui le rendrait triste.
Il est toujours avec Maria et parle rarement aux autres enfants.
Aujourd’hui, la maîtresse fait faire des dessins aux enfants, ce qu’ils veulent, ce qui leur passe par la tête, pour voir un peu leur imagination. La maîtresse pose donc des feuilles et des crayons de couleur sur chacune des tables et explique aux enfants ce qu’ils doivent faire.
Ils se dirigent tous vers les tables, prennent une feuille et quelques crayons de couleur et se lancent.
On voit par-ci, par-là, des bonshommes avec plusieurs têtes, des monstres, enfin, ce que l’on reconnaît sur le dessin d’un enfant.

Un peu plus tard, Samuel veut le crayon qu’un autre petit garçon a près de lui, il dit à Maria :
— Je veux le crayon bleu, celui-là. Le montrant du doigt.
— Et bah, prends-le. Répond Maria.
— Non, je sais pas qui c’est.
La maîtresse les entend et s’approche :
— Qu’y a-t-il Samuel, tu as un problème pour finir ton dessin ?
Samuel regarde l’institutrice et ne répond pas, elle sait qu’il ne dira probablement rien, « il est très réservé », pense-t-elle. Mais c’est tout de même inquiétant qu’il ne parle qu’à Maria.
Alors, Maria dit :
— Il veut le crayon de Benjamin.
— Et bien, demande-lui de te le donner.
Samuel secoue négativement la tête.
— Il ne va pas te faire de mal, tu sais.
— Il n’a pas peur de lui, Madame, il dit qu’il ne le connaît pas.
Samuel dit toujours ça quand il ne veut pas parler à quelqu’un. Le petit garçon, qui avait bien sûr tout écouté, tend son crayon à Samuel et lui dit :
— Tiens, prends-le, et je m’appelle Benjamin, maintenant tu me connais.
Samuel prend le crayon et regarde un peu tristement le petit garçon lui sourire.
— Il faut dire merci, Samuel.
— Merci. Répond-il d’une voix triste, la voix d’un enfant au bord des larmes.
La maîtresse ne comprend pas le comportement de cet enfant, elle en a déjà parlé aux parents, des gens très bien, la mère est enceinte, elle attend une petite fille, mais ils s’occupent très bien de Samuel. Il sait qu’il aura bientôt une petite sœur et le prend bien. La maman dit qu’à la maison, il s’intéresse à tout, il joue, et il discute comme tous les enfants de son âge.
Une heure plus tard, l’institutrice ramasse les dessins et les regarde rapidement, elle les affichera dans la classe, demain sûrement. Mais elle s’arrête machinalement sur le dessin de Samuel, il a dessiné deux enfants main dans la main avec de grands sourires, un joli soleil, un ciel bleu, mais quelque chose l’intrigue, il y a un trait noir qui sépare les deux enfants.
Alors elle interroge l’élève :
— Samuel, viens par là s’il te plaît !
L’enfant s’approche très doucement.
— Oui ? Dit-il dans un murmure.
— Dis-moi, qui sont ces deux enfants, c’est ta petite sœur et toi ?
L’enfant ne répond pas tout de suite, comme s’il se demandait s’il pouvait lui dire, puis répond :
— Non, Madame, c’est mon frère là et moi ici.
— Mais, Samuel, tu n’as pas de frère.
— Si, mais je sais pas où il est, ils l’ont emmené.
Puis il met sa main devant sa bouche, comme s’il avait dit quelque chose de mal.
— Ce n’est rien, Samuel. Le rassure la maîtresse. Mais dis-moi, reprend-elle, c’est quoi ce trait, là ?
Cette fois il ne dira rien, il regarde sa maîtresse et s’enfuit vers Maria. Elle le sert dans ses bras, on dirait qu’elle le console ou le rassure. C’est mignon.
La maîtresse reste tout de même intriguée par les propos de l’enfant, il est vrai que les enfants disent parfois des choses bizarres, mais de Samuel on peut penser qu’il dit la vérité. Elle décide donc de parler de ce frère disparu aux parents de Samuel quand ils viendront le chercher le soir.
Deux heures plus tard, arrivent enfin les premiers parents, quelques minutes après, c’est au tour de ceux de Samuel d’arriver, l’institutrice appelle donc l’enfant.
— Samuel ! Tes parents sont là !
L’enfant se tourne et court vers eux, il saute dans les bras de son père et fait un bisou à sa mère, dit bonjour au ventre de sa mère, s’adressant à sa future petite sœur.
Puis l’institutrice s’adresse à la mère :
— Madame, je pourrais vous parler quelques minutes ?
— On va dans la voiture. Dit le père tournant les talons.
— D’accord, à tout de suite ! Dit-elle caressant les cheveux de son fils.
Le père sort donc avec son fils, l’institutrice emmène la mère jusqu’à son bureau et prend le dessin de l’enfant.
— Voici : Aujourd’hui, j’ai demandé aux enfants de dessiner ce dont ils avaient envie, pour voir un peu leur imagination, Samuel a dessiné cela.
Elle tend le dessin à l’autre femme, qui le regarde.
— Samuel m’a dit qu’il s’agissait de lui et de son frère, quand j’ai demandé à quoi correspondait le trait au milieu, il n’a rien dit.
— Oh ! Il ne faut pas vous en faire, à la maison aussi il dessine ça, j’ai également posé la question et ai obtenu la même réponse. Son père et moi pensons qu’il s’agit d’un ami imaginaire, car, comme vous le savez, Samuel n’a pas de frère.
Elle hésite un instant et reprend :
— Il pourrait aussi s’agir du fait que Samuel avait un jumeau qui est décédé à leur naissance, j’ai lu quelque part que jusqu’à cinq ans les enfants se souviennent de leur vie prénatale. Son père n’y croit pas, mais il est possible que ce soit ça, mais ne vous en faites pas, il oubliera après ses cinq ans.
— Effectivement, il est possible que ce soit cela, donc voilà qui expliquerait certaines choses.
— Sinon, ça va ici ?
— Oui, il est calme, il ne parle presque à personne à part à Maria, mais il changera, il n’a que trois ans.
— Oui, je pense aussi, dans ce cas, je vous dis à demain, Madame.
— Bien sûr, au revoir.

Nous sommes aujourd’hui le 12 novembre, Samuel fête ses six ans, dans le parc, avec ses parents et sa petite sœur Carrie. Il regarde au loin un autre petit garçon qui, apparemment, fête aussi son anniversaire, sa sœur aînée lui offre un gros ours en peluche.
Samuel se dit qu’il aimerait bien jouer avec ce petit garçon et inconsciemment, sans le quitter des yeux, il se lève ; son père l’interpelle :
— Sam, qu’est-ce que tu fais ?
Le petit garçon, qui ne comprend pas la raison de la question de son père, lui répond simplement :

Je veux jouer avec le garçon là-bas !
Les parents regardent dans la direction que montre leur fils, puis la mère dit :
— Tu ne veux pas ton cadeau d’abord ?
— Si, d’accord. Répond Samuel sans détourner son regard de l’autre enfant.
La mère va chercher dans le coffre de la voiture et revient avec un petit vélo bleu et noir.
Samuel se tourne et le voit :
— Waouh ! Je peux l’essayer ? S’il te plaît maman !
— Bien sûr, mais ne t’éloigne pas trop.
L’enfant enfourche son nouveau vélo et part en direction du petit garçon qu’il observait.
Ses parents le regardent et voient qu’il s’arrête près de l’enfant.
— Ce petit garçon a attiré l’attention de Sam ! Dit la mère
— Oui, allons voir les parents. Répondit le père en se levant, en prenant leur fille dans ses bras.
Samuel, quant à lui, commence à discuter avec le petit garçon.
— Bonjour ! Dit-il
— Bonjour ! Répondent la famille et le garçon.
— Où sont tes parents ? S’inquiète la mère de l’autre enfant.
— Ici, Madame ! Répond le père de Samuel qui vient d’arriver.
On peut noter une ressemblance entre les deux enfants bien que Zacharry ait les cheveux longs mais tout aussi bruns et bouclés que ceux de Samuel.
Samuel est plus mince et plus grand de quelques centimètres, mais, sans ces détails, ils se ressemblent beaucoup, les adultes semblent n’avoir rien remarqué et discutent tandis que les enfants vont jouer.
Zacharry demande :
— Tu veux jouer au ballon ?
— Oui d’accord.
Ils s’éloignent un peu des adultes et jouent pendant des heures, remarquant, grâce aux questions qu’ils se posaient, qu’ils avaient de nombreux points communs.
Vers la fin d’après-midi, les parents de Samuel l’appellent pour rentrer, les deux garçons se disent au revoir, se jurant de se revoir un jour.
Puis Samuel part avec ses parents et sa petite sœur, il se retourne et fait un geste de main à Zacharry qui lui rend son signe.
Dans la voiture, sur le chemin du retour, Samuel regarde sa petite sœur dormir dans son siège auto et dit :
— J’aimerais bien avoir un frère comme Zacharry, je l’aime bien et il fait plein de choses comme moi, on est pareil.
« Pareil », ce mot résonne dans la tête de sa mère qui songe alors au jumeau de Samuel, mort le jour de sa naissance. Elle se sent soudain triste et pose sa main sur la cuisse de son mari et lui dit :
— Un jour, il faudra qu’il sache !
Le père semble tout à coup mal à l’aise comme il l’a été à certains moments de l’après-midi, quand ils discutaient avec les parents de Zacharry.
— Ouais, on verra ! Répond-il, un peu en colère.
La mère ne comprend pas son attitude, se retourne et sourit à son fils.
Aujourd’hui, Samuel se rend au cinéma avec sa meilleure amie Maria et la mère de celle-ci. Il a onze ans déjà, c’est un garçon qui s’intéresse à tout et qui est très intelligent pour son âge, mais il est souvent seul quand il n’est pas avec Maria, il a très peu de copains en général, et a toujours ce regard triste. Il observe souvent le ciel, il semble même parfois complètement attiré par ce bleu infini, il a l’air de chercher quelque chose là-haut mais ne dit rien. Quand il fait ça, il est totalement ailleurs, il n’entend pas toujours qu’on lui parle.
Ce jour-là, Samuel et Maria s’amusent beaucoup, Samuel est venu déjeuner chez elle et maintenant sa maman les conduit à la séance de cinéma de 14 heures.
En chemin, Samuel est encore absorbé par le ciel, mais, cette fois, Maria lui demande :
— Qu’est-ce que tu regardes si souvent ?
— Je ne sais pas, j’ai parfois l’impression d’avoir oublié quelque chose d’important et il faut que je m’en souvienne.
— Et tu crois que la réponse est là ?
— Je sais pas ! C’est… enfin bref… J’ai hâte d’y être, j’adore aller au ciné.
Maria le regarde, le changement de discussion ne l’étonne plus, chez Samuel c’est une habitude, il ne dira rien d’autre.
Arrivés au cinéma, Maria et Samuel se mettent en haut de la salle, la mère de Maria les suit. Quelques minutes plus tard, le film commence, c’est une histoire fantastique : deux frères partent à la recherche d’un trésor qui leur permettra de retrouver leurs parents enlevés par des pirates.
Samuel se penche vers Maria et lui dit à l’oreille :
— J’adorerais avoir un frère.
Maria le regarde et lui sourit, les deux enfants se replongent dans le film.
Samuel est touché par la proximité des deux frères, par leur complicité, il sait qu’il n’aura jamais ça avec sa sœur.
À un moment du film, les deux frères arrivent vers l’endroit où les pirates détiennent leurs parents, l’aîné dit à l’autre :
— Bon, on fait comme on a dit.
— Attends ! Dit le plus jeune en attrapant son frère par le bras.
— Quoi ?
— Promets-moi que quoi qu’il arrive, si on est séparés, on se retrouvera.
— Mais bien sûr que je te le promets, jamais je ne t’abandonnerai. Répond l’aîné en serrant son frère dans ses bras.
Ce moment de tendresse a bouleversé Samuel qui ne comprend pas pourquoi ces phrases le perturbent à ce point, ces mots font écho en lui « si on est séparés, on se retrouvera… jamais je ne t’abandonnerai. » Il se demande s’il n’aurait pas perdu quelqu’un quand il était petit.
Soudain Maria remarque les larmes de son ami et lui prend la main en disant :
— Bah alors, ça va pas ?
— Si, si c’est… enfin… Il sourit timidement, elle fait de même.
Le film se finit un quart d’heure plus tard, la mère de Maria dépose Samuel chez lui, il dit au revoir à Maria et à sa mère :
— Merci pour cette journée, on se voit demain à l’école.
— Ouais, à demain.
Puis il rentre et cherche sa mère :
— Maman ! Je suis là, t’es où ?
— Je suis dans la cuisine, trésor !
Il se rend donc à l’endroit indiqué, mais se stoppe avant d’entrer dans la cuisine. Il a une question à poser mais se demande si ce n’est pas un peu étrange, il reste là quelques secondes et s’avance enfin.
— Maman, je voudrais te demander quelque chose.
La mère, sous le sérieux de la question, cesse son activité et observe son fils.
— Qu’y a-t-il ? Vas-y, dis-moi.
— Et bien… je voulais savoir si… quand j’étais petit, j’aurais pas… perdu quelqu’un, un ami qui aurait déménagé subitement ou…
La mère se lève soudain et s’approche de son fils.
— Samuel, qu’est-ce qui ne va pas ?
— Je ne sais pas, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose en moi… c’est bizarre.
Sa mère est sur le point de lui dire la vérité sur ce manque, sûrement dû à l’absence de son frère, mais le père, qui a entendu la conversation de la pièce d’à-côté, fait irruption dans la cuisine et dit à son fils :
— Tu n’as jamais eu d’autre ami que Maria. Et il ne te manque rien, alors arrête de poser des questions stupides.
Il avait fini sa phrase presque en criant.
L’enfant, ne comprenant pas son père, regarde sa mère pour essayer de trouver des réponses à cette attitude, savoir pourquoi son père est soudain si dur avec lui. Mais elle ne dit rien et regarde ailleurs.
— Allez, va dans ta chambre maintenant.
L’enfant exécute l’ordre de son père, va dans sa chambre et, comme à son habitude, se recroqueville dans un coin par terre près de la fenêtre de façon à voir le ciel.
Pendant ce temps-là, dans la cuisine :
— Mark, pourquoi tu fais cela, il serait peut-être temps de lui dire qu’il avait un jumeau, c’est sûrement ça qui le perturbe, il doit ressentir son absence, les jumeaux sont très liés et si l’un disparaît, l’autre ressent un manque.
— Non, il ne saura rien !
— Mais Mark ! Il a le droit de savoir.
— Non !
Sa décision est sans appel, pour l’instant. Il tourne le dos à sa femme et retourne à ses occupations, et la mère reprend également les siennes.

Il est 13 h 30, Samuel se rend à la galerie commerciale où l’attendent Maria et deux de leurs copains. Il a fêté ses quinze ans il y a trois mois, il fait sa dernière année au collège et tout se passe bien.
Il n’est plus qu’à quelques minutes du centre commercial quand un garçon d’à peu près son âge s’approche de lui et demande :
— Hey mec ! Comment tu vas ?
— Heu ! Pardon on se connaît ?
— Bah, tu ne me reconnais pas, on est en cours ensemble, je sais qu’on n’est pas spécialement amis, mais en général on se parle.
— Je crois que tu te trompes de personne.
— Non, me charrie pas, t’es fringué pareil que d’habitude, t’as cette veste depuis le début de l’hiver, j’étais là quand tes parents te l’ont offerte, tu te souviens mes parents tiennent cette boutique ? Sérieux, qu’est-ce que je t’ai fait ?
Samuel ne comprend pas pourquoi le garçon ne veut pas comprendre qu’il n’est pas celui qu’il croit. C’est la première fois qu’on le prend pour quelqu’un d’autre.
— Écoute, je sais pas qui tu es, je m’appelle Samuel… Samuel Mayers et sans vouloir paraître impoli, on m’attend là.
— OK, je… je suis désolé, mais je te promets, la ressemblance est troublante, t’aurais pas un jumeau caché ? Demande-t-il en riant un peu.
Samuel sent soudain une chose étrange en lui à l’annonce de ces mots : « jumeau caché », il ne comprend pas pourquoi, et cette impression de devoir se souvenir de quelque chose qui revient.
— Heu… non… je… crois pas, j’ai juste une petite sœur.
— D’accord, bah ravi de t’avoir connu.
Puis le garçon s’en va, laissant Samuel seul au milieu du parking et plus perdu que jamais.
Il reste là quelques minutes sans vraiment s’en rendre compte, tellement il est perdu dans ses pensés, se disant qu’il pourrait avoir un frère et qu’il ne le saurait pas, mais cela paraissait étrange, pourquoi ses parents n’auraient rien dit ? Il se dit alors que peut-être il aurait été adopté et que son frère a pu être placé ailleurs. Il savait que tout ça n’avait pas vraiment de sens, mais le garçon a dit : « la ressemblance est troublante », et Samuel croyait au fait que tout le monde ait un sosie, mais de là à réellement confondre deux personnes à ce point ! Il ne peut aller plus loin dans sa réflexion, car son téléphone le ramène à la réalité. C’est Maria.
— Bah Sam, tu t’es perdu ? C’est la première fois que tu es en retard, ça fait dix minutes qu’on t’attend.
— Heu… ouais… je suis sur le parking… J’arrive.
— Tout va bien ?
—…
— Sam ?
— Hein ?... heu ouais, à tout de suite.
Il raccroche et entre enfin dans le centre commercial, il aperçoit Maria avec Thomas et Jeremy assis sur le rebord de la fontaine. Maria le voit, court vers lui et saute dans ses bras.
— Ah, enfin !
— Ça va, on dirait que ça fait six mois qu’on s’est pas vus.
— Bah presque. Dit-elle en rigolant.
Thomas et Jeremy s’approchent aussi et lui serrent la main.
— On va à la salle de jeux, se faire une partie de billard ? Propose Jeremy.
— D’accord. Répondent les trois autres.
Ils se mettent en route, Thomas et Jeremy marchent un peu devant et Maria en profite pour demander :
— Tu veux me dire ce qu’il y a ? T’avais l’air bien ce matin quand je t’ai appelé pour sortir et là t’es totalement ailleurs.
— Bah… pfft ! Il se décide quand même à lui raconter ce qui s’est passé sur le parking et ce à quoi il avait songé ensuite.
— Ah oui ! Et bien, écoute, je pense que la meilleure chose à faire est de parler avec tes parents.
— Ouais, facile à dire, la dernière fois que j’ai voulu leur parler, mon père m’a crié dessus et m’a envoyé dans ma chambre. Cette fois, j’ai vraiment besoin de réponses.
— Je comprends, dans ce cas, demande juste à ta mère.
— Ouais, mon père s’en va dans quelques heures pour quatre jours, je le ferai pendant ce temps.
— OK, et n’oublie pas que je suis là, quoi qu’il arrive.
— Ouais, merci.
— Allez, fais-moi un sourire !
Samuel s’exécute timidement, il n’en a pas envie, mais pour Maria il se force.
— Pas convaincant tout ça, mais bon…
Pendant ce temps, les deux autres garçons avaient eu le temps de préparer les boules en triangle et n’attendaient plus qu’eux pour former les équipes. Mais comme toujours, c’était Samuel et Maria contre Jeremy et Thomas. Ils jouent plusieurs heures, faisant à chaque fois la revanche de la revanche, puis en fin d’après-midi, ils rentrent tous chez eux.

Samuel avait décidé de parler à sa mère en rentrant, il savait qu’il serait tranquille : son père était parti depuis deux bonnes heures.
Arrivé chez lui, il appelle sa mère, qui lui répond :
— Je suis dans le salon, trésor !
Il va donc rejoindre sa mère au salon mais remarque qu’elle n’est pas seule, une de ses amies est là.
— Tu veux quelque chose ? Demande sa mère
— Ouais… heu je voulais te parler mais ça attendra.
— Oh ! De toute façon j’allais partir, il faut que j’aille chercher les enfants. Intervient la femme.
La mère de Samuel la raccompagne jusqu’à la porte et revient quelques instants plus tard au salon.
— Alors, chéri, tu voulais me dire quelque chose ?
— Heu, tu devrais t’asseoir d’abord et c’est plutôt une question que je voulais te poser.
La mère s’assoit donc en face de son fils et lui dit :
— Je t’écoute, parle-moi.
— Et bien, en fait, aujourd’hui j’ai été pris pour quelqu’un d’autre et le gars qui m’a confondu m’a dit que ma ressemblance avec l’autre personne était vraiment troublante, comme deux gouttes d’eau, tu vois.
La mère fait un signe de tête et dit :
— Ça arrive d’avoir un sosie, il se trouve que le tien est dans cette ville, voilà tout.
— Attends, je voulais savoir si… si j’aurais pas… été adopté et que j’aurais été séparé de mon frère jumeau ?
Sa mère le regarde choquée par cette question mais demande :
— Samuel, tu crois que nous sommes des monstres ?
— Mais non ! C’est juste que…
— Non, ça suffit, écoute-moi maintenant ! Le coupa-t-elle, visiblement blessée par l’attitude de son fils. Tu n’as pas été adopté Samuel, tu es bel et bien notre fils, pour ce qui concerne ton frère, il faudra attendre que ton père rentre.
— Quoi ? Non, j’aurais préféré que ça reste entre nous… et… j’ai un frère ? Dit-il plus calmement que le début de sa phrase.
— Pas exactement, mais il faut parler de ça avec ton père, on ne peut pas faire autrement.
— Maman, s’il te plaît ! Dis-moi, on pourrait faire comme si tu ne m’avais rien dit.
— Mais voyons, c’est ton père, je lui ai promis que lorsque tu poserais à nouveau des questions on t’en parlerait ensemble.
— Super ! Vraiment, je suis sûr d’avoir une réponse entre la vérité et le mensonge ! Dit-il en montant dans sa chambre.
— Samuel pourquoi dis-tu ça ?
— Laisse tomber ! Répond le jeune garçon en claquant la porte de sa chambre.
Les trois jours passèrent, sûrement les trois plus longs jours dans la vie de Samuel.
Le père rentre à la maison vers midi, Samuel descend voir sa mère qui finissait de mettre la table avec sa petite sœur, elle lui dit :
— Je dirai à ton père qu’il faut qu’on te parle ce soir.
— Je ne suis plus sûr de vouloir savoir !
— Pourquoi est-ce que tu réagis comme ça ?
— Parce que, j’ai besoin de réponses, de savoir ce qui ne va pas chez moi et à chaque fois que je veux discuter, il m’envoie dans ma chambre en me criant dessus au bout de deux secondes.
— Il répondra cette fois, je te le promets.
— Et s’il ne disait pas la vérité ?
— Pourquoi ferait-il une chose pareille ?
— Je crois qu’il ne m’aime pas, il se fout de ce que je peux ressentir.
Le père entre dans la salle à manger et entend la fin de la phrase de son fils.
— Encore en train de te plaindre fillette ?
Samuel regarde sa mère comme pour dire : « Tu vois ce que je disais », puis il monte dans sa chambre.
— Sam, tu ne manges pas ? Demande la mère inquiète.
— Pas faim ! Crie-t-il depuis l’escalier.
La porte claque, la mère regarde son mari.
— Quoi ? Demande-t-il. Qu’est-ce que j’ai fait ?
— Tu devrais arrêter ce comportement avec lui.
— Oh ! Je le taquine ! Se défend le père.
— C’est un ado, il le prend mal.
— D’accord ! Répond-il sans y croire.
— Et il faut qu’on lui parle ce soir, qu’on lui parle sérieusement, et tu n’y couperas pas cette fois. Dit-elle voyant que son mari allait protester.
Il soupire mais accepte. Au contraire de ce que Samuel avait pensé, le soir arrive rapidement et après le dîner, alors qu’il s’apprête à monter dans sa chambre, son père l’interpelle :
— Où tu vas, mon garçon ?
— Je monte discuter avec Maria.
— Plus tard les mails et les copains, on a à parler il me semble.
Son ton est calme, Samuel espère que tout se déroule bien.
La mère les rejoint et ils se rendent tous au salon, ils s’installent, le père et la mère sur le canapé et Samuel sur le fauteuil en face.
Sarah, la mère, se relève et sort un dessin du tiroir d’un meuble.
— Tu vois Samuel, quand tu étais petit tu dessinais ça, tu disais que l’autre petit garçon à tes côtés était ton frère, le trait là représente certainement la séparation, tu disais qu’on l’avait emmené loin de toi. Explique-t-elle posant le dessin sur la table basse.
— Mais personne ne l’a emmené. Dit son père sur un ton un peu brutal. Il est mort. Lâche-t-il ensuite presque en criant.
Samuel commence à pleurer silencieusement, cet aveu est douloureux à supporter, il avait imaginé plusieurs scénarios en trois jours, mais pas celui-là, ça fait mal, très mal, il baisse la tête et demande :
— Alors on n’a pas été séparés ?
— Non, mon cœur, il est « parti » à votre naissance, simplement. Dit sa mère doucement.
— Parti ! Murmure Samuel, avant de pleurer plus franchement.
Sa mère allait se lever pour consoler son fils, mais son mari l’en empêche.
— Non, reste là, Samuel, arrête de pleurer. Dit-il en colère. Ça fait quinze ans maintenant, tu ne l’as même pas connu !
— Si ! Intervient sa femme qu’il retenait toujours par le bras. J’ai lu que jusqu’à l’âge de cinq ans les enfants se souviennent de leur vie prénatale.
— Tout ça c’est des conneries ! Crie-t-il.
Personne ne comprend pourquoi le père s’énerve à ce point. Ne comprend-il pas la peine de son fils ou cache-t-il quelque chose ?
Samuel pleure toujours, tout le monde comprendra que d’apprendre ainsi la mort d’un frère jumeau alors qu’on a cru l’avoir simplement perdu momentanément est quelque chose d’horrible. Même plus que ça, mais les mots sont trop faibles pour expliquer la douleur que l’on ressent à cet instant, comprenant que jamais plus on ne sera deux, que jamais plus on ne sentira sa présence à ses côtés.
Mais le père de Samuel, de toute évidence, ne comprend rien et reprend de plus belle :
— Arrête de chialer ! Si tu ne l’avais jamais su, tu continuerais à vivre.
Samuel relève la tête, essuyant rageusement ses larmes d’un revers de main, se lève, pris d’une colère incontrôlée et dit :
— Vivre ! Mais ça fait quinze ans que je survis, avec son absence qui me torture jour et nuit et ce vide que personne ne pourra jamais combler !
Quelqu’un ayant perdu un jumeau comprendra mieux que personne ce qu’il peut ressentir.
Le père de Samuel est pris d’un fou rire, sous le regard effaré de sa femme et de son fils.
— Mark, qu’est-ce qui te prend ? Demande-t-elle en lui faisant face.
Samuel se dirige vers la porte d’entrée et crie à son père :
— Je te déteste, tu n’en as rien à faire de moi, à part ton boulot et ton fric y a rien d’autre qui compte, t’es trop nul.
Le père fait volte face et crie à son fils :
— Viens ici petit merdeux !
Mais c’est trop tard, Samuel est déjà dehors, la porte a claqué, il court en direction de la maison d’en face, les yeux pleins de larmes, se dirige vers la maison de Maria. Il sonne à la porte, la mère de Maria lui ouvre, elle aperçoit Mark sur le pas de la porte en face et voit que Samuel pleure.
— Samuel, qu’est-ce qui t’arrive ? Demande-t-elle enfin.
— Rien, est-ce que Maria est là ? Demande-t-il entre deux sanglots.
— Bien sûr, entre !
— Désolé de vous déranger si tard.
— Ce n’est rien, Maria est dans sa chambre, monte !
Samuel monte, soulagé que la mère de son amie ne lui pose pas plus de questions, il s’arrête sur le palier. Maria, qui avait entendu la sonnette de la porte, est en train de sortir de sa chambre quand elle voit Samuel en pleurs dans le couloir.
— Sam ! Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Demande-t-elle, le serrant dans ses bras.
Il se met à pleurer plus fort, ayant besoin de se lâcher après ce qui s’était passé. Elle le conduit dans sa chambre. Depuis le bas, la mère de Maria demande :
— Ça va aller ?
— Ouais, c’est bon, je m’en occupe.
— D’accord, si vous avez besoin, je bouge pas.
— Merci.
Maria aide Samuel à s’asseoir sur son lit, il est visiblement en état de choc, elle ne l’avait jamais vu comme ça. Lui qui paraissait toujours fort, ne se laissant jamais touché par ce qui pouvait arriver. Elle attend qu’il se calme, le berçant dans ses bras. Quelques minutes plus tard, il est un peu plus serein, ses pleurs se sont arrêtés, elle lui donne un mouchoir et tente :
— Tu veux me raconter ce qui s’est passé ?
Samuel secoue la tête en signe affirmatif et commence son récit.
Pendant ce temps, la mère de Samuel crie après son mari :
— Non mais, t’es devenu fou ou quoi ? Pourquoi tu as fait ça ?
— Ça va, arrête de crier ! Répond le mari détendu.
— Non, ça ne va pas, tu as été odieux avec lui, c’est dur pour lui, tu peux comprendre ça, tu lui balances ça comme ça, mais qu’est-ce qui t’arrive ?
— Rien du tout ! Dit l’homme commençant à s’énerver de nouveau. C’est un homme, un homme ça ne pleure pas, il faut qu’il réagisse.
— C’est là que t’as tout faux Mark, ton fils n’est pas un homme, il n’a que quinze ans, c’est encore un enfant.
— Il faut bien qu’il…
Elle le coupe :
— Pas un mot de plus, la discussion est close pour l’instant, je ne te reconnais pas, on en reparlera quand tu auras retrouvé ta tête. Maintenant, je monte et toi ce soir, tu dors sur le canapé.
— Quoi ? Proteste son mari.
— Oui, ça t’apprendra à être si cruel avec ton fils !
Il n’y avait rien à ajouter, elle était vraiment fâchée, il avait bien compris, pas moyen de discuter, il passerait donc la nuit sur le canapé.

Au même moment, chez Maria :
— Je suis vraiment désolée, Sam, je ne sais pas quoi te dire.
— Il n’y a rien à dire, ça sert à rien pour le moment.
Elle lui fait un baiser sur le front, juste pour lui dire qu’elle est là.
— Est-ce que je peux… dormir ici cette nuit ? Demande-t-il timidement.
— Oui bien sûr ! Mais en attendant, il est à peine 20 h 30 et il y a un film sympa au ciné à 21 h 30, si ma mère peut nous déposer on arrivera à temps.
— M’en veux pas mais j’ai pas envie là.
— Je comprends très bien, mais ça te fera du bien de te changer les idées deux heures de temps. Allez, j’t’invite.
— Bon OK !
— Cool.
Ils descendent et demandent à la mère de Maria si elle peut les conduire, elle accepte avec joie et Maria lui dit que Samuel passerait la nuit chez eux.
— Bien sûr, y a pas de problème, demain il n’y a pas école.
Elle s’approche de Samuel, pose une main sur son épaule et lui demande :
— Ça va, mon grand ?
— Oui, Madame, merci !

Trente minutes plus tard, il est devant le cinéma, il y a un peu de monde, mais c’est rapide. Samuel se retourne pour voir un peu les gens derrière eux, il voit un groupe de jeunes garçons qui chahutent vers le milieu de la file, il a l’air perdu dans ses pensées quand Maria le ramène à la réalité :
— On va voir Nous deux, hein ?
— Quel titre ! Ironise Samuel, un peu ailleurs.
— Ouais, pas super vu les circonstances, mais il paraît qu’il est super.
— Je te fais confiance, en général, tu ne te trompes pas sur ce genre de choses.
Ils arrivent à la caisse, Maria demande deux billets pour le film qu’elle avait choisi, la dame leur indique la salle et ils vont s’installer.
Samuel pose sa tête sur l’épaule de Maria et elle lui caresse les cheveux, comme ils le font souvent.

Quelques jours plus tard, Samuel effectue des recherches sur les jumeaux, y découvre tout ce à quoi il n’aura jamais droit, toutes ces choses qu’il ne partagera jamais. Cette merveilleuse complicité, ce lien invisible mais tellement puissant qui les unit. Tout ce mystère qu’est la gémellité. Il lit des témoignages de jumeaux qui disent que leur jumeau est ce qu’ils possèdent de plus cher au monde. Son cœur se serre, il a mal, tellement mal de ne pouvoir vivre aux côtés de cette moitié de lui qui lui a été si cruellement arrachée.
Il tombe aussi sur des informations qui expliquent ce que ressentent les jumeaux ayant perdu leur jumeau. Il se reconnaît dans ce que décrivent les gens. Il arrête ses recherches, il ne veut pas en savoir plus pour l’instant, ça fait trop mal. Il éteint son ordinateur et se dirige vers la fenêtre, lève les yeux vers les étoiles et dit :
— J’aimerais tant que tu sois là, la vie est tellement injuste parfois, tu me manques tellement.

2

Nous sommes le 18 novembre, il est 17 h 15 à Melercreek, le soleil décline à l’horizon et un couple sort du centre d’adoption, un bébé dans les bras de la mère.
La personne qui leur a confié l’enfant leur a dit que la nuit, il pleurait s’il n’était pas placé à côté d’un autre enfant. Ils n’avaient pas réussi à le faire dormir seul depuis qu’on leur avait amené en début de semaine.
Les parents s’étaient dit qu’ils verraient bien la nuit venue mais qu’ils trouveraient une solution s’il y avait un problème.
Ils rentrent chez eux, présentent le nouveau venu à la famille qui les attendait et surtout à la petite fille, qui désormais avait un petit frère.
Ce petit garçon qui s’était endormi dans les bras de sa mère, enlaçant un ours en peluche porte le prénom de Zacharry.
Il est tard donc la mère l’emmène à l’étage, le couche délicatement dans son berceau, dépose sur la commode l’ours qu’il n’avait pas cessé de tenir, met en marche l’interphone et prend l’autre pour le descendre avec elle. Elle n’a pas le temps de franchir la porte que l’enfant se met à crier.
Elle descend quand même, pose l’interphone sur la table du salon, son mari entend les pleurs de son fils et dit :
— Il s’est réveillé, si c’est comme à l’orphelinat, on ne peut pas le laisser comme ça.
— Je sais bien, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il ne peut pas dormir avec Jennyfer.
— Non, mais tout à l’heure, dans tes bras il dormait ?
— Oui, il dormait avec un ours en peluche dans les bras.
Les parents montent donc, couchent leur fille aînée et entrent dans la chambre du petit Zacharry, déposent l’ours, que la maman avait enlevé quelques minutes plus tôt, tout contre l’enfant qui le prend dans ses bras et se calme aussitôt.

Les parents restent quelques instants à observer leur fils endormi, puis sortent de la chambre laissant la porte entrouverte.
— Pourquoi il ne peut pas dormir seul cet enfant, que s’est-il passé ? Demande la mère inquiète.
— Je ne sais pas Wendy, mais s’il dort bien avec cet ours à ses côtés, laissons-le-lui. La rassure son mari.
— D’accord, de toute façon, maintenant il aura une vie meilleure, il apprendra à ne plus avoir peur de dormir seul.
— Je ne pense pas que ce soit une peur, mais plutôt un manque, le manque de contact.
— De contact avec sa mère ?
— Possible.
— Alors ça va changer, crois-moi.

Voilà deux mois que le petit Zacharry a fêté ses trois ans, il grandit bien, c’est un enfant joyeux, il dort cependant toujours avec cet ours dans son lit, on dirait que sa présence l’apaise.
Aujourd’hui, ses parents l’emmènent chez son cousin Tommy qui fête ses six ans. Sa mère le pose au sol et lui montre les autres enfants qui jouent déjà dans le salon.
Le petit garçon s’avance vers eux, fait le tour de la pièce, regarde tous les enfants, s’approche de l’un d’eux et demande :
— Tu as vu mon frère ?
Le petit garçon regarde Zacharry étrangement et lui répond :
— Je ne sais pas qui tu es, demande à ta maman.
Zacharry s’en va, l’air triste, continue à marcher entre les autres enfants, regardant bien partout ; les enfants courent et rient au milieu du salon. Soudain, il s’assoit par terre et se met à pleurer, sa mère, reconnaissant les pleurs de son enfant, se précipite dans le salon et le prend dans ses bras en demandant :
— Qu’est-ce qui se passe mon cœur ? Pourquoi tu pleures ? Raconte à maman.
Le petit garçon continue de pleurer dans le cou de sa mère et finit par dire :
— Ils savent pas où est mon frère !
Toujours en pleurant, il relève la tête, regarde sa mère dans les yeux et lui demande :
— Il est où, dis, maman, où il est ?
— Mais tu n’as pas de frère trésor, tu as juste une sœur qui est là, regarde. Dit-elle montrant Jennyfer qui joue avec ses cousines.
— Mais si ! Insiste-t-il. Quand j’étais là, il était avec moi. Dit-il en montrant le ventre de sa mère.
Wendy ressent un pincement au cœur, sachant qu’elle n’est pas la mère biologique de cet enfant. Elle se tourne vers son mari qui se lève et prend Zacharry des bras de sa femme et lui dit :
— Écoute fiston, un jour peut-être que tu auras un frère, mais pour l’instant tu n’en as pas, alors va t’amuser avec tes cousins, c’est un peu comme tes frères d’accord ?
— D’accord, papa.
Et le petit Zacharry se dirige vers ses cousins, le regard toujours triste.
Jamais personne ne s’était demandé pourquoi il n’y avait pas, au fond de ses yeux, cette étincelle qui anime les yeux de tous les enfants de son âge. Malgré une grande curiosité, une envie de tout savoir, une grande gentillesse, il avait toujours ce regard triste. Et cette façon de toujours observer partout autour de lui comme s’il cherchait quelqu’un, quelqu’un d’introuvable.
Mais aujourd’hui Zacharry allait faire plaisir à ses parents et jouer avec ses cousins, il va donc voir un petit garçon qui joue avec des voitures et lui dit :
— Je peux jouer avec toi ?
Le petit garçon lève les yeux de ses voitures, regarde Zacharry et répond :
— Oui, tu es tout seul aussi ?
— Heu oui, je sais pas où est mon frère, je croyais qu’il serait là, y a plein d’enfants, mais il n’est pas là.
— Il est peut-être à ta maison ?
— Non !
— Pourquoi ? Demande l’enfant
— Je l’ai jamais vu là-bas. Tu veux bien être mon frère jusqu’à ce que je le retrouve ?
Le petit garçon regarde Zacharry avec un grand sourire et répond :
— Oui d’accord, tiens, prends la voiture jaune, on fait une course ?
Zacharry s’assoit près de l’enfant, apparemment ravi d’avoir trouvé un frère de substitution pour les quelques heures à venir.
Ses parents l’observent de loin, le père dit :
— Bah, tu vois, il a l’air content d’être là finalement !
— Oui, mais je n’arrête pas de penser à ce qu’il a dit, tu penses qu’il a des frères et sœurs et qu’on ne nous l’aurait pas dit ?
— Je ne sais pas, c’est possible, on leur a demandé un petit garçon c’est tout, on ne voulait pas d’autres enfants, donc je ne pense pas qu’ils nous l’auraient dit.
— Oui, tu as sûrement raison, mais il a dit « quand j’étais là, il était avec moi » en montrant mon ventre. S’il s’agit d’un frère jumeau, je ne veux pas qu’il grandisse loin de lui. Je sais qu’il y a des années, on séparait les jumeaux pour les étudier.
Wendy commence à sangloter à cette idée, son mari la prend dans ses bras et lui dit :
— Mais arrête de te torturer, il l’a peut-être rêvé, ou peut-être qu’il aimerait avoir un copain de son âge pour jouer et que c’est sa façon à lui de nous le dire.
— Tu crois ?
— Oui, et si jamais plus tard il pose des questions, on agira en conséquence, on ira à l’orphelinat se renseigner, OK ?
— D’accord.
Il essuie ses larmes et lui fait un baiser sur le front. Il voit sa belle-sœur lui faire des signes, il le dit à sa femme qui se détache alors de lui pour rejoindre sa sœur.

Trois ans plus tard, nous sommes le 12 novembre, Zacharry va fêter ses six ans. Il devait y avoir son copain Maxime mais il n’a pas pu venir, ses parents ont décidé de partir pour le week-end. Il se rend donc dans le grand parc de Melercreek, le parc Morgan, un magnifique endroit où les gens peuvent pique-niquer sans être dérangés. Et l’endroit est vraiment très beau en automne.
La famille s’installe à l’ombre d’un grand chêne, car bien que l’on soit en automne, il fait encore très chaud. Le père étale une couverture au sol pendant que Zacharry et Jennyfer s’amusent un peu plus loin. La mère installe le couvert avec son mari tout en surveillant ses enfants. Elle leur dit :
— Allez, venez manger !
Ils s’installent tous autour des assiettes et commencent à manger ce que Wendy a préparé.
Zacharry, comme à son habitude, observe les gens autour d’eux, il voit des gens qui se promènent, d’autres qui courent, mais son attention s’arrête sur une famille non loin de là qui est également en train de manger, il dit à ses parents :
— Regardez, ils font comme nous !
Tout le monde se retourne vers la famille que Zacharry désigne.
Puis arrive le moment du dessert, la mère de Zacharry sort un gâteau au chocolat de la glacière et pose six bougies dessus.
Zacharry observe toujours le petit garçon de l’autre famille, qui, lui aussi, semble regarder dans sa direction.
— Zac, chéri ! L’interpelle son père.
— Oh un gâteau ! S’exclame l’enfant.
— Bah oui, c’est ton anniversaire aujourd’hui. Lui dit sa sœur qui sort quelque chose de son sac à dos.
— Tiens, c’est pour toi. Dit-elle lui tendant un gros ours en peluche.
— Ouah, merci, il est super joli, merci Jenny ! Dit-il, se jetant dans les bras de son aînée.
Zacharry se rassoit et reporte son attention sur le petit garçon tout en mangeant sa part de gâteau. Le petit garçon est en train de monter sur un vélo et se dirige maintenant vers eux. Il s’arrête à leur hauteur et dit :
— Bonjour !
— Bonjour ! Répondent-ils.
Mais Wendy ne peut s’empêcher de demander :
— Où sont tes parents ?
L’enfant n’a pas le temps de répondre que son père arrive et dit :
— Ici, Madame !
— Oh, je me disais que ce petit garçon ne pouvait pas être seul.
— Non, en fait nous étions là-bas. Dit la mère en montrant leur voiture et leurs affaires qu’ils avaient laissées. Nous étions en train de fêter son anniversaire. Reprit-elle.
— Ah, bah ça, c’est drôle, Zacharry fête aussi son anniversaire, ses six ans. Dit le père regardant son fils s’éloigner un peu avec l’autre petit garçon et un ballon dans les mains.
— Effectivement ! Reprit Sarah. Notre petit Samuel fête aussi ses six ans.
Le père de Samuel regarde son fils discuter avec Zacharry et remarque que les deux petits garçons se ressemblent beaucoup : les mêmes cheveux bouclés bruns, les mêmes yeux marron légèrement en amande. La différence que l’on peut noter est que Samuel est de quelques centimètres plus grand que Zacharry, mais hormis cela, on pourrait croire à des frères, on pourrait même les confondre, pense-t-il.
Il se sent mal à l’aise tout à coup mais personne ne le remarque, il décide tout de même d’aller ranger leurs affaires pour que personne ne le voie et revient quelques minutes plus tard. Les adultes discutent plusieurs heures tandis que les garçons font connaissance.
— Dis, quel âge tu as ? Demande Zacharry.
— Bah aujourd’hui c’est mon anniversaire, j’ai six ans !
— Ah ouais ! Moi aussi ! S’étonne Zacharry. Mon copain Max, il n’a pas pu venir, il est parti pour le week-end voir sa mamie et son papi.
— J’aimerais bien avoir un frère comme toi ! Dit Samuel.
— Moi aussi ! Répond Zacharry en posant sa main sur le visage de Samuel.
— Parfois, j’imagine que j’ai un frère et je lui parle, je lui raconte des choses, je lui parle de l’école et tout. Dit Samuel en regardant Zacharry dans les yeux.
— Tu sais, moi aussi je fais ça. Répondit Zacharry près de l’oreille de Samuel.
Il reprend après quelques secondes :
— Mais c’est un secret, chut !
Samuel lui sourit, ils rigolent.
Du côté des parents :
— C’est drôle ! Commence la mère de Samuel. Votre fils est aussi brun et bouclé que Sam, et vous, vous êtes tous les deux blonds et votre fille aussi.
— Oh, en fait Zacharry n’est pas réellement notre fils, nous l’avons adopté. Répond Wendy.
Le père de Samuel, Mark, paraît soudain très mal à l’aise, sa femme s’en aperçoit mais ne pose aucune question.
— En fait, à la naissance de Jennyfer, reprend la mère de Zacharry, le médecin m’a dit qu’une autre grossesse serait beaucoup trop dangereuse autant pour moi que pour l’enfant. Donc nous avons décidé d’adopter.
— C’est merveilleux, il a l’air vraiment heureux avec vous. Dit Sarah, la mère de Samuel, regardant les deux garçons riant aux éclats.
— Oui, ce qui m’inquiète c’est pour plus tard. Je pense qu’on lui dira quand il aura quatorze ou quinze ans pour qu’il puisse bien comprendre. Mais s’il veut retrouver ses parents biologiques… Ajoute encore Wendy.
— Mais ne t’inquiète pas pour ça ! On verra en temps voulu. Comme quand il était petit et qu’il demandait où était son frère.
— Oh ! il a un frère ? Demande la mère de Samuel.
— Et bien, on ne sait pas vraiment, mais quand il était petit, vers deux ou trois ans, il demandait souvent où était l’autre enfant qui était avec lui dans le ventre de sa mère. Répond Wendy Sanders.
— Je ne voudrais pas vous inquiéter davantage, mais j’ai lu dans un livre de psychologie que les enfants se souviennent de leur vie prénatale jusqu’à l’âge de cinq ans. Votre fils a peut-être un frère jumeau quelque part et il le ressent au fond de lui. Dit gentiment Sarah.
— On devrait peut-être y aller ? Intervient soudainement le père de Samuel que la conversation rendait de plus en plus nerveux.
— Ah, il est tard ? Tu veux rentrer chéri ? Lui demande sa femme.
— Et bien… oui ! Répond-il sans la regarder.
— D’accord ! Et bien, nous allons y aller, mais ne vous en faites pas, vous vous en sortirez très bien avec votre fils.
— Merci, au revoir, peut-être à bientôt.
— De rien, à bientôt. Samuel, trésor, tu viens, on rentre !
Samuel, qui avait pivoté pour regarder sa mère, se retourne vers Zacharry et lui dit :
— Faut que je rentre.
— Oui, peut-être qu’on se reverra ! Dit Zacharry.
— Oui, je voudrais bien.
Puis Zacharry prend Samuel dans ses bras, lui fait un bisou sur la joue et lui dit :
— Au revoir.
— Au revoir ! Répond Samuel se détachant de lui et se dirigeant vers ses parents.
Zacharry le suit, s’arrête à la hauteur de ses parents, il voit Samuel se retourner et lui faire un signe de la main, il en fait de même.
Lorsqu’il est hors de vue, Zacharry se tourne vers ses parents et leur dit :
— Peut-être que Samuel, c’est mon frère, on est pareils lui et moi.
— Non, trésor, il ne peut pas être ton frère. Lui dit gentiment sa mère.
— Ah ! dommage. Répond l’enfant qui paraît soudain très triste.

— Zac, tu descends s’il te plaît, on va y aller !
Zacharry descendit quelques minutes plus tard et demanda à sa mère, qui se trouvait toujours dans l’entrée :
— Je suis obligé d’aller là-bas ? Je suis assez grand pour rester tout seul, j’ai onze ans maman.
— Je sais que tu pourrais rester tout seul ici mais on ne sait pas à quelle heure nous allons rentrer ce soir, donc tu vas chez tante Jane, et tu ne discutes plus.
— OK ! Et Jennyfer, elle fera comment ?
— Jenny viendra te rejoindre chez tante Jane vers 17 heures, la mère de sa copine la déposera.
— D’ac.
Ils sortirent de la maison et montèrent dans la voiture où attendaient le père et la sœur de Zacharry.
Une fois tout le monde installé et attaché, ils s’en allèrent, déposèrent d’abord Jennyfer chez son amie.
— À ce soir chérie ! S’exclama sa mère.
— Ouais, à ce soir ! Dit-elle en sortant de la voiture.
Quelques kilomètres plus loin, ils déposèrent Zacharry chez sa tante.
— Sois sage chéri, à ce soir !
— Maman, je suis plus un gamin ! Rétorqua le fils.
— Amuse-toi bien mon grand. Ajouta son père.
— Vous aussi ‘pa !
Puis Zacharry sonna chez sa tante qui ouvrit tout de suite. Elle le fit entrer et fit un signe de main à sa sœur et à son beau-frère.
— Ça va Zac ? Demanda-t-elle en fermant la porte.
— Ouais, ils vont faire quoi papa et maman ?
— C’est leur anniversaire de mariage aujourd’hui, donc ils vont se promener tous les deux pour se retrouver un peu seuls, tu comprends.
— Ouais, ça va j’suis plus un bébé !
— Oui, en parlant de bébé, je crois que j’ai entendu du bruit dans la chambre des jumeaux avant que tu arrives, tu montes avec moi voir s’ils sont réveillés.
— Ouais !
Ils montèrent donc à l’étage, la mère des enfants fit stopper Zacharry devant la porte de la chambre et dit :
— Écoute !
Il colla son oreille contre la porte et écouta quelques secondes puis dit :
— Ils ont l’air réveillés, ils discutent mais qu’est-ce qu’ils racontent ?
— Ah, c’est drôle hein, je ne sais pas toujours ce que ça veut dire, même presque jamais en fait, mais c’est fait exprès, c’est un dialecte de jumeaux, le médecin appelle cela de la cryptophasie.
— Ah OK, c’est bizarre !
Elle ouvrit la porte et entra dans la chambre, les enfants se turent et observèrent Zacharry.
— Tu te souviens de Jeremy et Matt.
— Heu, ouais à gauche c’est Matt et là c’est Jeremy.
— Exact, tu ne les vois pas souvent et pourtant tu n’hésites pas une seconde. S’étonna la tante.
— Bah, en fait, Matt est légèrement plus grand que Jeremy, c’est ça qui m’aide à les reconnaître.
— D’accord ! Allez les enfants, on va déjeuner.
— Oui ! Crièrent-ils en chœur.
— Jeremy tu donnes la main à Zacharry pour descendre l’escalier. Dit Jane.
— Oui maman.
L’enfant s’approcha de Zacharry et lui dit :
— Tu ne m’emmènes pas loin de mon frère, hein ?
— Mais non, pourquoi veux-tu que je te sépare de ton frère ? On va seulement à la cuisine pour prendre le petit déjeuner.
— D’accord. Répondit l’enfant en prenant la main de Zacharry.
— Pourquoi a-t-il demandé ça ? Interrogea-t-il.
— En ce moment, ils demandent cela souvent, ils ont peur qu’on les sépare. En fait, avec leur père, on avait décidé de leur donner chacun une chambre, ils sont grands maintenant, on s’était dit qu’à cinq ans, ils préféreraient avoir chacun leur chambre. Expliqua la tante.
— Ouais normal.
— Non, ça a été une vraie catastrophe, ils ont pleuré et crié le nom de leur frère jusqu’à ce qu’on les remette ensemble.
— Ah ouais, ça aussi c’est un truc de jumeaux ?
— Tu sais, ce qui unit les jumeaux, surtout les vrais jumeaux comme eux, est très puissant et incompréhensible pour la plupart des gens.
— Ouais, ça doit quand même être super d’avoir un jumeau, t’es jamais tout seul, tu affrontes tout à deux, à deux t’es comme invincible, t’as toujours quelqu’un pour jouer avec toi.
— Tu as raison.
Arrivés à la cuisine, les enfants s’installèrent à table pendant que leur mère sortait ce qu’il fallait pour préparer leur petit déjeuner.
— Tu peux faire leur tartine, s’il te plaît ? Demanda tante Jane en tendant à Zacharry une brioche et du Nutella.
Zacharry prit un couteau et une cuillère dans le placard et s’assit en face des garçons qui le regardaient faire avec gourmandise. Une fois qu’il eût fini la première tartine, il la tendit à Matt.
— Non, lui d’abord ! Dit l’enfant.
— Ah oui, donne-la à Jeremy. Précisa la mère des enfants.
— D’accord, mais pourquoi ? Demanda Zacharry un peu surpris.
— Aucune idée, mais Matt mange toujours après que Jeremy a commencé.
— OK !
Elle apporta ensuite deux bols de chocolat chaud et en déposa un devant chaque enfant.
— Attention ! C’est chaud. Les prévint-elle.
Matt tira vers lui le bol de son frère et souffla dessus doucement. Jeremy le regardait faire en souriant. Et Matt lui dit en lui rendant son chocolat :
— C’est chaud !
Zacharry les regardait faire, amusé, et demanda à sa tante :
— Ils font ça souvent ?
— Oui, tout le temps, Jeremy est le plus jeune, on se dit que Matt doit l’avoir compris et qu’il s’est donné comme « mission » de s’occuper et de protéger son petit frère. Tu vois, même quand il lui arrive de se faire mal en jouant ou autre, il va d’abord voir Matt s’il n’était pas avec lui à cet instant, et ensuite Matt vient me chercher.
— C’est cool les jumeaux ! S’exclama Zacharry. Raconte-moi encore des choses sur eux, s’il te plaît.
— Bien, tu sais, c’est quelque chose d’extraordinaire la gémellité, ça ne s’explique pas et pour cette raison certaines personnes trouvent les jumeaux bizarres ou effrayants.
— Les gens sont stupides ! Rétorqua-t-il.
— Ils ne comprennent pas, il n’y a pas d’explication rationnelle à cela, donc les gens ont peur, mais viens au salon je vais te montrer des photos.
Les garçons ayant fini leur petit déjeuner, tous allèrent dans le salon. Tante Jane dit à ses enfants :
— Jouez ici quelques instants, après on ira vous habiller. Installe-toi, Zac.
Elle sortit un gros classeur plein de photos, s’assit aux côtés de Zacharry et l’ouvrit.
— Tu vois, là, c’est quelques jours après leur naissance, ils dormaient dans le même berceau, séparés ils pleuraient tout le temps, là déjà Matt était protecteur, il dormait toujours un bras posé sur son frère.
Elle lui montra encore d’autres photos, puis le laissa feuilleter l’album et monta habiller les garçons. Zacharry regardait avec attention toutes ces photos de ses cousins, il trouvait ça magique et tellement beau. Les yeux rivés sur ces images, il ne pouvait se défaire de l’extraordinaire complicité qu’elles reflétaient. Et ce mot qui tournait dans sa tête, celui qu’avait prononcé sa tante : « gémellité ».
Il ne comprenait pas pourquoi il avait eu cette sensation étrange lorsqu’elle l’avait dit.
Il se répétait « j’aurais adoré avoir un jumeau », et plus il répétait cette phrase, plus il avait l’impression qu’elle représentait quelque chose pour lui. Comme si son cœur lui disait « mais tu as un frère jumeau », mais il savait que ce n’était qu’un simple rêve, qu’il avait juste une grande sœur. Il se sentit un peu triste, mais ne le montra pas, sa tante redescendit avec ses cousins, qui portaient les mêmes vêtements mais de couleurs différentes. Elle lui dit :
— Ce midi on ira manger en ville, d’accord ?
— Heu… oui, si tu veux.
Ils allèrent donc vers midi en ville manger dans une petite cafétéria. Ils rentrèrent vers quinze heures et passèrent le reste de l’après-midi à jouer dans le jardin. Zacharry s’amusait bien avec ses cousins, ils lui posaient beaucoup de questions, souvent la même en même temps, ce qui faisait rire Zacharry. Les jumeaux se regardaient, ne comprenant pas pourquoi leur cousin riait d’une chose qui, pour eux, était totalement normale.
Zacharry était heureux, il avait avec eux un peu de cette complicité qu’il aimerait partager avec un frère, un peu comme celle qu’il a avec Maxime. Il voyait quand même que les garçons s’amusaient ensemble, qu’ils avaient leurs habitudes, leurs petits secrets et cela le rendait un peu triste, envieux de cette relation si particulière.
Il se dit que lorsqu’il rentrerait chez lui tout à l’heure, il irait faire des recherches pour mieux connaître les jumeaux.
Il était fasciné par cela, il comprenait bien que c’est un phénomène qui échappe complètement à une explication claire, mais il voulait tout de même en savoir plus.
Sa sœur arriva vers 17 heures, ils continuèrent de jouer tous les quatre jusqu’à 19 h 30, heure à laquelle leur tante les appela ainsi que les jumeaux pour passer à table.
Wendy et Jack arrivèrent vers 20 h 30, les enfants avaient fini leur repas, donc la famille ne s’attarda pas, Zacharry et Jennyfer dirent au revoir à leurs cousins et à leur tante et partirent avec leurs parents.
Dans la voiture sur le chemin du retour :
— Alors les enfants, cette journée c’était bien ? Demanda leur mère.
— Ouais c’était génial ! S’exclama Zacharry, Matt et Jeremy sont super.
— Et vous, c’était comment ? Demanda Jennyfer.
— C’était vraiment bien, ça nous a fait du bien cette journée. Répondit la mère.
— Ouais, on a fait du sport comme jamais ! Rit le père.
— Oh Jack ! Fit Wendy lui donnant une petite tape sur la cuisse.
— Ça va, ils n’ont pas compris.
À l’arrière, les enfants riaient de voir leurs parents si heureux.
Une fois arrivés à la maison, Jennyfer monta dans sa chambre, les parents allèrent au salon regarder la télévision et Zacharry leur demanda :
— Je peux aller sur internet ? Je voudrais faire quelques recherches.
— Oui, bien sûr mais pas longtemps, il est déjà 21 h 15. Répondit sa mère.
— D’accord merci. Puis il monta en vitesse dans sa chambre, alluma son ordinateur, tapa le mot « jumeaux » et lança la recherche.
Il passa deux heures sans s’en rendre compte à lire des choses et à trouver des informations, des livres qui traitaient de ce sujet.
Sa mère, qui passait devant sa chambre pour aller se coucher, vit la lumière et entra.
— Zac, j’avais dit « pas longtemps » !
Il leva les yeux de son écran et regarda la pendule sur le mur qui indiquait 23 h 20, puis regarda sa mère et dit :
— Oh, désolé, j’avais pas vu l’heure.
Sa mère s’approcha et demanda :
— Tu fais des recherches sur quoi ?
— Heu… sur les jumeaux.
— Ah ! Une journée avec tes cousins ne t’a pas suffi ? Dit-elle en riant.
— Tu sais, les jumeaux, ils sont mystérieux, il y a quelque chose de magique, ça m’attire… j’aurais aimé avoir un frère jumeau aussi.
Sa mère lui sourit et se rappela des questions qu’il posait étant enfant, elle ne pouvait pas tout lui dire pour le moment, car ils ne lui avaient pas encore parlé de son adoption. Elle se rapprocha encore un peu, s’assit près de lui et commença :
— Tu sais, quand tu étais petit déjà tu demandais où était ton frère. Je crois que, effectivement, tu aurais adoré avoir un jumeau, en tout cas un frère, mais comme tu le sais, je ne peux pas avoir d’autre enfant, il faudra te contenter de Jenny.
— Il se pourrait qu’une autre personne devait être dans ton ventre, on était deux, j’ai lu que quinze grossesses sur cent sont des grossesses où il y a des jumeaux, mais seulement pendant un temps, après il y en a un qui s’en va.
— Je ne sais pas trésor, mais maintenant il est tard, alors va te coucher.
— Hum.
Sa mère sortit de la chambre quelques larmes au coin des yeux, cela la rendait triste de ne pas pouvoir aider son fils à comprendre.
Mais elle et son mari avait décidé qu’ils ne parleraient à Zacharry de son adoption que lorsqu’il aurait quinze ans.

Aujourd’hui, Zacharry va passer la journée avec ses amis, nous sommes le 12 novembre et il fête ses quinze ans.
Ce soir, il les fêtera avec sa famille, mais pour le moment il est avec ses amis dans une salle qu’ils ont louée pour faire une fête.
Tout le monde danse, s’amuse, Zacharry regarde son meilleur ami Maxime danser avec une fille, il sourit se rappelant le nombre de fois où celui-ci lui avait demandé d’inviter cette fille.
Zacharry est heureux, enfin il en a l’air, parce qu’au fond de lui, il ressent une drôle de sensation : Il a l’impression que quelque chose manque ou plutôt que quelqu’un devrait être là à ses côtés.
Il ne comprend pas et comme chaque fois qu’il se sent seul, ou que ça ne va pas, il s’approche de la fenêtre et observe le ciel.
La musique change, Maxime laisse la fille et cherche Zacharry pour le remercier, avec le monde qu’il y a il met quelques secondes à le repérer puis le voit appuyé contre une fenêtre, les yeux rivés vers le ciel.
Il s’approche de lui, pose sa main sur son épaule en disant :
— Hey Zac ! Ça va pas ?
Zacharry le regarde ne sachant pas trop quoi répondre et lui dit :
— Ouais, je… j’ai l’impression qu’il manque quelqu’un.
— Et qui ? On a invité tous les gens que tu connais et même d’autres.
— Je… j’en sais rien… j’ai souvent l’impression qu’il manque quelqu’un dans ma vie.
Maxime ne sachant pas quoi lui répondre, essaye de le faire rire en disant :
— C’est une fille qu’il te faut, mon pote !
Zacharry sourit enfin, mais Maxime voit bien qu’il n’y croit pas vraiment, alors il lui dit :
— Tu veux me parler de quelque chose qui ne va pas ? Ou de n’importe quoi d’autre ?
— Heu… non pas maintenant… plus tard… pour l’instant, allons faire la fête.
La musique change de nouveau et Zacharry dit :
— Oh ! J’adore cette chanson, viens !
Et lui et Maxime se frayent un chemin au milieu de la foule pour arriver au centre de la piste de danse et sautent de partout sur le morceau de métal que le DJ vient de mettre.
Le reste de l’après-midi se passe dans la joie et la douce folie de l’adolescence, Maxime surveille de temps en temps Zacharry, ce qu’il lui a dit était un peu étrange. Mais pour l’instant il danse avec une fille qu’il apprécie beaucoup et a l’air de bien s’amuser.
Maxime se dit que peut-être il lui parlerait plus tard. Ils dansèrent encore, rirent, c’était une bonne fête d’anniversaire dont Zacharry se souviendra.
Puis 19 heures arrivèrent, les gens étaient tous partis et Zacharry dut partir aussi car sa famille l’attendait pour sa soirée d’anniversaire. Maxime et lui quittèrent la salle, dirent au revoir au DJ et s’en allèrent en direction de leur quartier.
En chemin, ils parlèrent de l’après-midi qui venait de s’écouler mais à aucun moment Zacharry ne fit allusion à leur petite discussion au sujet de ce qu’il ressentait. Maxime ne dit donc pas un mot, se dit que Zacharry ne devait pas avoir envie d’en parler pour le moment, car depuis qu’ils se connaissent ils se disent tout, ils n’ont pas de secret l’un pour l’autre.
Ils arrivèrent devant la maison de Maxime, ils discutèrent encore quelques minutes et se dirent au revoir, mais Maxime rappela Zacharry :
— Hey Zac !
Celui-ci se retourna.
— Hum, qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu sais, si t’as envie de parler, je suis là.
— Je sais Max… je sais… à lundi.
Puis il fit encore quelques mètres et arriva chez lui, il posa la main sur la poignée de la porte, leva les yeux vers le ciel et soupira. Cette sensation d’absence ne l’avait pas quitté de la journée, il avait fait de son mieux pour avoir l’air heureux, pour que les gens ne lui posent pas de question.
Il entra enfin, sa mère courut vers lui et l’embrassa.
— Oh ! Mon chéri ! Joyeux anniversaire !
— Merci maman.
— C’était bien ta fête, tu t’es bien amusé ?
— Ouais, c’était sympa.
— Bon, va vite prendre une douche, le repas sera prêt dans une heure.
— OK !
Il traversa la maison pour rejoindre l’escalier qui mène à l’étage, à sa chambre et à la salle de bain et vit son père.
— Salut ‘pa !
— Oh ! Bonjour mon grand, c’était bien ?
— Ouais, y avait plein de filles, c’était super !
— Ah ! ah ! ah ! Rit son père. Je te reconnais bien là !
Zacharry sourit et monta dans sa chambre, prit des vêtements propres et alla dans la salle de bain.
Il en sortit une demi-heure plus tard, retourna dans sa chambre attendre que ses parents l’appellent pour dîner.
Il se jeta sur son lit, resta allongé un moment à contempler le ciel à travers la fenêtre, puis se roula sur le côté et attrapa sa guitare qu’il avait laissée à côté de son lit.
Il joua pendant un bon quart d’heure les accords d’une chanson que Maxime lui avait envoyés. Une chanson triste qui reflétait à la perfection son état d’esprit à ce moment-là.
C’était son anniversaire, il avait passé une journée super avec ses amis, il savait que ses parents et sa sœur avaient préparé quelque chose aussi, malgré cela il se sentait seul et triste, il se répétait : « Il manque quelqu’un. » Il était certain qu’il devait y avoir une autre personne à ses côtés pour cette journée si spéciale.
Soudain, il entendit sa mère crier du rez-de-chaussée, ce qui le fit légèrement sursauter tellement il était absorbé par ses pensés et par les accords qu’il grattait.
— Zacharry, à table ! Redit-elle, certaine qu’il n’avait pas entendu.
— J’arrive ! Cria-t-il à son tour, posant sa guitare sur son lit et commençant à quitter la pièce, il jeta un coup d’œil au ciel.
La nuit était tombée depuis plusieurs heures maintenant, le ciel se trouvait parsemé de milliers d’étoiles, Zacharry sourit et sortit enfin de la chambre pour se rendre à la salle à manger où l’attendait sa famille.
— Assieds-toi chéri, j’ai préparé ton repas préféré ! Dit sa mère en arrivant de la cuisine, une grosse casserole entre les mains.
— Cool ! Merci maman !
La famille dîna, parlant de tout et de rien, Zacharry se chamaillait avec Jennyfer quand il parlait de filles.
Puis vint le moment du dessert. Le père partit à la cuisine chercher le gâteau qu’avaient préparé Wendy et Jennyfer un peu plus tôt dans la journée.
Quand il vit son père arriver avec une charlotte aux marrons dans les mains, Zacharry s’écria :
— Oh super ! J’adore ça ! Merci maman !
— Je l’ai fait avec ta sœur. Répondit-elle.
— Ah ! Je ne sais pas si je vais en manger alors ! Dit-il, se tournant vers sa sœur assise à ses côtés.
— Tant pis, ça en fera plus pour moi ! Lui dit-elle.
— Nan, je crois pas, c’est tout pour moi. J’adore ce gâteau.
— C’est bien pour ça que j’ai dit à maman qu’il fallait qu’on le fasse !
— C’est toi qui… heu merci. Dit-il, surpris de cette attention.
Le père avait posé le gâteau sur la table et était en train d’allumer les quinze bougies qui s’y trouvaient.
— Allez, souffle fiston, avant qu’elles ne fondent sur le gâteau.
— Attends, il faut que tu fasses un vœu d’abord ! L’interrompit sa mère alors qu’il s’apprêtait à souffler.
Il s’arrêta et réfléchit une seconde, puis souhaita savoir qui était la personne qui lui manquait tant.
Il reprit son souffle et éteignit les quinze bougies d’un seul coup, tout le monde l’applaudit, et ses parents et sa sœur lui offrirent leurs cadeaux.
Jennyfer lui offrit un livre avec les tablatures des meilleures chansons de rock, et ses parents avaient acheté deux nouvelles pédales pour sa guitare.
— Waouh ! Merci, c’est exactement ce que je voulais, et Jenny merci, tu trouves toujours un truc énorme, merci.
— Mais de rien, petit frère.
— Si vous voulez, quand je me serai un peu exercé avec les nouvelles pédales, je vous ferais une petite démo, c’est Jenny qui choisira la chanson dans ce livre.
— Si tu veux fiston, ça sera avec grand plaisir, tu sais qu’on adore t’écouter jouer.
— C’est trop génial ! Disait-il en feuilletant le livre des tablatures. Y a plein de chansons que je n’arrivais pas à trouver sur le net.
Puis Jennyfer s’éclipsa, glissant un bonsoir à tout le monde et quitta la maison, elle savait que ses parents avaient à parler avec son frère.
Le père s’éclaircit la gorge et dit :
— Fiston, ta mère et moi avons quelque chose à te dire.
— OK ! J’écoute.
— D’abord, je veux que tu saches que ça ne changera rien entre nous, que nous t’aimerons toujours, quoi que tu penses. On te laissera tout le temps dont tu auras besoin pour t’y habituer. Dit sa mère.
— Et on espère que tu ne nous en voudras pas trop d’avoir attendu si longtemps. Ajouta son père.
— Heu… vous me faites peur là, vous le savez ?
— Désolé fiston, mais c’est important. Lui dit gentiment son père.
— Bah, dépêchez-vous parce que là je suis pas vraiment rassuré. Il y a quelque chose de grave ? L’un de vous est malade ?
— Non, non, chéri, on va bien, mais on doit t’avouer quelque chose sur toi.
Zacharry ne dit rien, il les regardait simplement attendant complètement angoissé que la sentence tombe. Il ignorait ce que ses parents allaient dire et l’expression de leur visage ne le rassurait pas.
— Alors voilà, commença le père, il faut que tu saches qu’il y a dix-sept ans, après la naissance de Jennyfer, les médecins ont dit à ta mère qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfant. La naissance de Jenny avait déjà failli coûter la vie à ta mère, une autre grossesse aurait été fatale.
Zacharry comprenait petit à petit où son père voulait en venir.
— On a donc décidé, poursuivit sa mère, d’adopter un enfant, un petit garçon.
— Moi ?
— Oui chéri, toi. Dit sa mère prenant la main de son fils dans la sienne.
— Nous t’avons adopté quand tu avais à peine une semaine. Ajouta doucement son père.
— Ton père et moi t’aimons, Zacharry, nous t’aimons comme si nous t’avions fait, cela ne change rien, nous t’avons vu grandir et nous serons toujours là pour toi.
Zacharry ne disait rien, il observait successivement son père et sa mère qui avait les yeux brillants de larmes qui ne demandaient qu’à tomber.
— Non, maman, pleure pas. Dit-il serrant plus fort la main de sa mère. Il faut juste un peu de temps pour que je me fasse à cette idée mais merci.
Puis il se leva et monta dans sa chambre.
— Tu crois que ça ira ? Demanda Wendy à son mari.
— Oui, ne t’inquiète pas, c’est quelqu’un de bien, il comprendra.

Une semaine plus tard, lors du dîner, toute la famille discutait de sa journée et Zacharry prit la parole :
— Heu… papa, maman, je peux vous parler ?
— Oui fiston, nous t’écoutons.
— Tu veux que je parte ? Demanda Jennyfer.
— Non, non, reste, c’est OK.
— Vas-y chéri, dis-nous ce que tu as à dire. Dit doucement sa mère.
— Alors, heu… c’est au sujet de notre discussion du week-end dernier. Voilà… je comprends pourquoi vous m’avez adopté et je suis heureux que vous m’ayez choisi.
— Nous ne t’avons pas vraiment choisi trésor. Lui répondit sa mère.
— Peu importe, vous êtes des parents super et je vous aime, toi aussi Jenny, mais m’oblige pas à le redire, plaisanta-t-il, vous êtes ma famille, peu importe ce que disent les papiers, c’est vous qui vous occupez de moi et je vous en remercie mais…
— Qu’y a-t-il Zac ? Continue. L’incita son père.
— J’aimerais savoir pourquoi vous avez attendu mes quinze ans pour me le dire ?
— Ah, et bien, nous voulions que tu sois en âge de bien comprendre notre geste, de comprendre que, bien que nous ne soyons pas tes parents biologiques, nous t’aimons comme tels.
— D’accord, merci.
Les parents se levèrent et serrèrent leur fils dans leurs bras.

Trois mois plus tard, un samedi soir.
Il est 21 h 00, Zacharry se rend au cinéma avec une bande de copains, son meilleur ami Maxime n’est pas là, il a dû partir en week-end avec ses parents.
Zacharry se dit que c’est vraiment dommage, qu’il aurait certainement adoré cette soirée.
Le film qu’ils vont voir est Massacre à la tronçonneuse, c’est une version réalisée par les élèves de l’école de cinéma de la région.
Ils chahutent un peu dans la file d’attente, les portes s’ouvrent enfin, ils entrent après quelques minutes, la file était longue devant eux, mais c’est allé assez vite.
Ils arrivent à la caisse, Zacharry est le premier et demande :
— Bonsoir, une place pour Massacre à la tronçonneuse, s’il vous plaît !
— Ah ! Vous n’allez pas voir le même film que votre frère ? Il n’aime pas les films d’horreur peut-être ? Lui dit la fille à la caisse en lui donnant son billet.
— Heu… excusez-moi mais j’ai pas de frère.
— Ah ! Répond-elle, visiblement surprise.
Ses amis sont tous en train de rire et pressent un peu derrière lui pour pouvoir avoir leur place, alors la vendeuse s’occupe d’eux et détache son attention de Zacharry.
Ce qu’elle vient de lui dire l’a touché profondément, il se posait déjà des questions depuis qu’il savait qu’il avait été adopté, car Maxime lui avait demandé s’il avait des frères et sœurs dans le même cas quand il lui avait appris la nouvelle. Pour l’instant, il n’avait pas trouvé le temps d’en parler avec ses parents.
Il a l’air vraiment mal, car Tim lui dit en riant :
— Et Zac, t’as vu un fantôme ? T’es tout pâle.
— Tu nous avais pas dit que t’avais un frère ! Ajoute Miguel.
— Bah… on a tous nos secrets, hein ? Répond Zacharry essayant de sourire.
— Ouais, allez viens, on va se faire peur, ne pense plus à ça pour l’instant. Dit gentiment Sacha.
Cela le réconforte un peu mais il aurait préféré que Maxime soit là, pour l’instant il ne savait rien de ses doutes et de ses questions sur ses frères et sœurs, mais il savait toujours trouver les mots qui l’apaisaient.
Maxime le connaît vraiment bien et sait lorsque Zacharry ne veut pas plaisanter sur un sujet.
Mais eux non plus ne savent rien, donc Zacharry ne leur en veut pas, ils font ce qu’ils peuvent pour lui changer les idées quand ça ne va pas. C’est une bande de copains quoi.
Zacharry se dit que pour l’instant il devrait essayer de profiter de cette soirée et peut-être qu’il discutera de tout ça avec Maxime un peu plus tard


3

J’ai grandi, j’ai maintenant dix-sept ans, je suis en classe de première au lycée Schield, l’année scolaire est presque finie.

Il est 20 h 00, nous sommes en train de manger, à la télévision, il y a les informations, ils parlent d’une histoire qui s’est passée aux États-Unis. Ils avaient séparé des jumeaux à la naissance, faisant croire à l’un que l’autre était mort-né et l’autre enfant a été adopté. Je me mets en colère, ressentant la douleur de l’absence de mon propre jumeau et dit :
— Mais, les gens sont des monstres, on ne doit pas séparer des jumeaux, il ne faut pas, ils ne peuvent pas vivre heureux si l’autre n’est pas là.
Je vois mon père s’agiter, je sais que je n’aurais pas dû dire cela, j’ignore pour quelle raison il m’interdit de parler de mon frère, ça fait mal, il ne s’en rend pas compte, puis il dit :
— Tu ne sais pas de quoi tu parles, peut-être que ces gens avaient leurs raisons, tu n’es pas à leur place.
— À leur place non, mais j’ai perdu mon frère jumeau je te rappelle, et que tu le veuilles ou non, c’est une torture de ne pas pouvoir grandir à ses côtés.
Il ne dit rien, me regarde droit dans les yeux et reprend :
— De toute façon, toi t’es une vraie fillette. Il n’est plus là, fais-toi à cette idée, c’est tout. Tu ne peux pas comprendre ces pauvres gens.
— Mark arrête ! Intervient la mère mais aucun d’eux ne semble l’écouter.
Je suis hors de moi, mon père me hait, c’est maintenant une certitude, je lui balance :
— C’est toi qui comprends jamais rien, tu te ranges du côté des méchants en te faisant passer pour un saint, t’es comme eux, un pourri.
Je quitte la salle à manger, monte l’escalier quatre à quatre et vais m’enfermer dans ma chambre. Je vais m’asseoir près de la fenêtre comme toujours, mon père est un con, c’est officiel, il me déteste, je ne comprends pas, je ne lui ai rien fait, d’accord je ne suis pas le fils qu’il aurait voulu avoir, mais c’est pas une raison pour me traiter de fillette. Depuis quand un mec n’a pas le droit d’avoir des émotions, de pleurer ? Oui, je pleure et si ça dérange quelqu’un c’est pareil.
Après une heure, à crier aussi fort que la musique que j’avais mise à fond en entrant dans ma chambre, je me suis enfin calmé et je repense à ce qu’a dit mon père : « Les gens avaient sûrement leurs raisons. » Depuis quand il prend la défense de gens qu’il ne connaît même pas ? Il ne le fait déjà que très rarement avec sa famille ou ses amis alors là, ça ne rime à rien.
Au bout d’une demi-heure à me torturer l’esprit, je pense à quelque chose qui m’effraie, mais qui, en même temps, serait une bonne nouvelle pour moi.
Peut-être que mon père a fait avec nous la même chose que les Américains ont faite avec leurs jumeaux.
J’allume mon ordinateur et envoie un message à Maria pour lui raconter tout ça, je sais qu’elle vit avec son ordinateur sous les yeux alors elle aura mon message.
Quelques minutes plus tard, elle me répond, elle a écrit : « Comment est-ce que tu vas ? Dis-moi si tu veux que je passe te chercher. Je suis désolée pour ce que t’a dit ton père, mais est-ce que tu penses vraiment qu’il serait capable de faire une chose pareille ? »
Je lui réponds immédiatement, j’ai besoin de parler et j’ai de plus en plus l’impression que ma supposition est vraie, ça expliquerait son comportement de ces dernières années.
J’écris : « Ça peut aller, je ferai comme d’habitude, tu me connais depuis le temps. Ce n’est pas la peine de passer, je ne veux pas te faire sortir à cette heure, en plus demain y a cours. Et pour mon père, et bah… j’arrête pas d’y penser et avec tout ce qui s’est passé depuis mes quinze ans, je crois qu’il est possible qu’il ait fait quelque chose et qu’il mente à ma mère et à moi depuis dix-sept ans pour que jamais personne ne sache de quoi il s’agit. Je le déteste tellement. »
Elle répond au bout de quelques minutes et me dit : « Si tu veux t’engager dans des recherches longues et pénibles, je te suivrais mais il faut que tu saches que rien n’est certain et que peut-être… ton frère est vraiment parti et que ton père est juste… enfin tu vois. »
Elle est géniale cette fille, je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Je lui envoie un dernier message : « Merci Maria, je t’adore, mais je ne veux pas t’obliger à me suivre dans mes délires. Je crois que j’ai une idée, je t’en parlerai demain sur le chemin du lycée, je ne vais pas te déranger plus longtemps. Bonne soirée, à demain, bisouxxx. »
Je retourne m’asseoir près de la fenêtre, il fait vraiment noir car je n’ai pas allumé la lumière : j’aime pouvoir observer la lune briller dans le noir le plus complet. Je me laisse aller à rêver, mais mon ordinateur ne m’en laisse pas le temps et me signale par un bruit bizarre que j’ai un nouveau message. Je me lève et vois que Maria m’a répondu : « Tu ne m’obliges à rien, je veux juste t’aider, les amis servent à ça. J’espère que c’est pas une idée trop bizarre :) à demain, bisouxxx. »
Le réveil sonne, il est 6 h 30, je n’ai pas beaucoup dormi, j’ai fait des cauchemars à cause de mon père, j’ai pensé à mon frère toute la nuit, mais je vais parler de mon idée à Maria et on verra ce qu’elle en pense.
Après un petit déjeuner avalé en vitesse, je finis de me préparer, il est 7 h 20, j’attrape mon sac qui traîne près de mon bureau et sors de la maison. Mon père était dans le salon, je ne lui ai pas parlé, il m’a regardé partir, s’il croit que je vais faire le premier pas cette fois, il rêve. Je vais chez Maria pour la récupérer, je frappe à la porte, c’est sa mère qui ouvre :
— Bonjour Samuel, ça va ?
— Oui, Madame !
— Maria, descends ! Samuel est là.
Comme toujours Maria est un peu en retard, elle descend les escaliers en courant, embrasse sa mère et nous partons.
— Ça va ? Demande-t-elle.
— Oui, et toi ?
— Bien, bien, bientôt les vacances, alors c’est cool.
— Ouais, deux mois à ne rien faire, j’adore.
— Au fait chou, c’est quoi ton idée ?
— Chou ? C’est quoi ce surnom ?
— Roh… c’est mignon ! Alors ?
— Si tu veux ! Donc, je me disais que peut-être je pourrais passer une annonce dans le journal ? Expliquant un peu les choses et on verra.
— Bah… ça peut être une idée. Tu comptes écrire quoi ?
Je sors un bout de papier de ma poche et lui tends.
— Tu l’as déjà écrite ?
— Ouais, j’arrivais pas à dormir.
— Ça t’arrive souvent quand même.
— Ouais, j’ai l’impression que ça a commencé peu de temps après que mes parents m’ont dit que j’avais perdu mon frère, que j’ai commencé à replacer les pièces du puzzle avec tout ce qui n’allait pas dans ma vie. Comprenant petit à petit avec les renseignements que j’ai trouvés que tout avait un lien avec son absence. Mais bref… vas-y, lis.
— Alors : « J’ai dix-sept ans, je m’appelle Samuel, je suis né le 12 novembre 1989, je suis à la recherche de mon frère jumeau. Il a été adopté, je pense qu’il habite toujours dans cette ville. Si jamais un garçon de dix-sept ans ayant été adopté pense pouvoir être mon frère, merci de me contacter au 06……, c’est très sérieux et très important. » C’est bien, je pense que ça ira.
Elle marque un temps puis reprend :
— Sam, il y a des chances pour que ça ne fonctionne pas et…
Elle hésite, je sais ce qu’elle va dire, je n’ai pas envie de l’entendre, ça fait mal.
— Il est possible que ton frère, aussi triste que cela puisse être, soit réellement… parti.
Je la remercie intérieurement de ne pas avoir dit « mort », je déteste ce mot, mais mon cœur se serre, je regarde le sol tout en continuant à avancer. J’ignore quoi lui répondre, je ne sais pas pourquoi, mais depuis que mon père a dit ça hier soir, j’ai de plus en plus l’impression qu’il a fait quelque chose de mal, sinon je n’explique pas son comportement à mon égard. Maria me parlait, je ne l’avais pas entendue :
— Samuel, ça va ?
— Ouais, t’inquiète.
Je lui répète ce que je viens de me dire.
— C’est vrai que ça expliquerait bien des choses, mais je ne voudrais pas que tu te fasses de fausses idées. Regarde dans quel état tu es là maintenant, alors imagine si tu apprends que ton père n’a rien fait et que ton jumeau est réellement parti.
« Jumeau », ce mot résonne en moi, jamais il ne m’avait touché à ce point, comme une certitude qui brûlerait en moi, comme pour me dire qu’il ne faut pas que je m’arrête là, mon cœur s’emballe, je relève la tête et souris à Maria qui ne comprend rien.
— Il est vivant, j’en suis sûr, à cet instant plus que jamais.
On est arrivés devant le lycée, je passe le portail mais me stoppe, Maria ne m’a pas suivi, je retourne en arrière, la rejoins et demande :
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— J’ai peur pour toi. Dit-elle beaucoup trop sérieusement.
— Mais, de quoi ?
— Je viens de te le dire, comment peux-tu être sûr qu’il est vraiment vivant ? Explique-t-elle inquiète.
Je prends sa main et la pose sur mon cœur qui ne s’était pas vraiment calmé et lui dis :
— Je le sens, là !
Elle me regarde droit dans les yeux, comme si elle cherchait la lueur de folie qui m’aurait frappé mais elle ne dit rien. Alors je lui dis, pour mettre fin à tout ça pour le moment :
— Allez, viens, on va être en retard en maths !
— Oh, c’est grave, on va rater cinq minutes d’un cours ennuyeux à mourir ! S’exclame-t-elle.
On rit, tout va bien.
La matinée passe, il est enfin midi, on se rend au self, en chemin, je dis à Maria :
— Je pensais déposer l’annonce après les cours, vu qu’on finit à 3 heures, j’aurais le temps de passer au journal avant de rentrer, de toute façon, ma mère bosse et mon père est encore absent, donc pas de problème.
— Tu veux que je vienne avec toi ?
— Bah, si tu n’as rien d’autre à faire après les cours, ça ne me dérange pas.
— OK ! Alors je viens !
Nous nous installons à une table après avoir pris notre plateau. Thomas et Jeremy nous rejoignent quelques instants plus tard, nous discutons de la matinée, de tout et de rien.
Puis arrive déjà trop vite, l’heure de retourner en cours, les plus pénibles de la journée, histoire et philosophie, ça va être horrible.
15 heures sonne enfin, c’est pas trop tôt, j’ai bien cru qu’on ne sortirait jamais d’ici.
On se dirige tous les deux, Maria et moi, vers la sortie, on s’arrête devant le lycée.
— Alors ! C’est quoi le plus court pour se rendre au journal ?
— Euh… ah si, je crois qu’en passant par le square on arrive juste en face.
— Oki ! Alors en route ! Dit-elle.
Sur le chemin, on parle peu, elle a envie de poser une question, ça se voit à sa tête, depuis le temps que je la connais, je sais lorsqu’il y a quelque chose qu’elle ne dit pas.
— Allez, crache le morceau !
— Quoi ? Demande-t-elle, surprise par ma demande.
— Pose ta question ou ton cerveau va exploser.
— J’ai pas de…
— Maria Jenkins, je te connais par cœur, allez accouche.
— Tu es sûr ?
— Oui, dis-le-moi.
— T’es vraiment certain de vouloir le faire ?
— Oui, plus certain que jamais. Tu sais, j’ai repensé à un truc que ma mère m’a raconté quand ils m’ont annoncé que j’avais « perdu mon frère jumeau ».
— Et qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
— Que quand j’étais petit, je dessinais toujours deux petits garçons séparés par un trait et que je leur disais que c’était moi et mon frère et que je ne savais pas où ils l’avaient emmené. Elle m’a aussi expliqué que jusqu’à cinq ans les enfants se souviennent de leur vie prénatale. Donc, je me souvenais de mon frère et je les ai vus l’emmener, mais je ne sais pas où, loin de moi, trop loin, je sais qu’il est là, quelque part, je le jurerais sur ma propre vie, qui de toute façon sans lui n’a que très peu d’importance.
— Hey ! Dit-elle me prenant dans ses bras voyant que mon récit m’avait bouleversé. Je savais pas tout ça, pour les certitudes ça nous éclaire pas, mais si toi tu crois qu’il est là alors je te suis.
— Merci de me croire Maria, j’ai vraiment besoin de soutien sur ce coup-là.
— Je serai toujours avec toi Samuel, quoi que tu veuilles faire, je te le promets.
— Nous sommes arrivés. Dis-je lui montrant du doigt les bureaux du journal.
En effet, nous étions arrêtés à quelques mètres à peine, nous entrons et nous dirigeons vers l’accueil.
— Bonjour Madame, ce serait pour déposer une annonce.
— Oui, suivez-moi s’il vous plaît.
Elle nous conduit un peu plus loin vers un autre bureau et dit :
— Voyez avec cette personne. Gisèle, ces jeunes gens veulent déposer une annonce.
— Bien approchez ! Nous dit l’autre femme.
Nous nous avançons vers son bureau, elle reprend :
— Alors, quelle taille fait votre annonce ?
— Hum… cinq lignes, Madame.
— Bien, et combien de temps voulez-vous la faire paraître ?
— Heu… Je regarde Maria, je ne sais pas du tout combien de temps ça peut prendre et je ne suis même pas sûr qu’il vive toujours dans cette ville. J’ai des doutes tout à coup, j’ai peur de faire une erreur, puis Maria parle à ma place :
— C’est combien pour un mois ?
— Ça fera 29,60 euros pour cinq lignes et pour un mois.
— Ça te va ? Me demande Maria. Un mois pour commencer et après on avisera.
— Ouais, ça ira !
— Alors on va prendre ça, c’est à vous que l’on paye ? Demande-t-elle à la dame.
— Non Mademoiselle, c’est à l’accueil, à la personne qui vous a amenés ici.
— D’accord, merci !
Je lui tends mon annonce, elle la lit, ne dit rien, tape sur son ordinateur quelque chose et me dit :
— Elle sera dans le journal de demain.
— Merci, Madame.
— J’espère que ça marchera. Dit-elle en souriant.
— Moi aussi !
On sort de son bureau, passons par l’accueil pour payer et nous repartons.
Je raccompagne Maria chez elle et rentre chez moi, comme je n’ai pas grand-chose à faire en attendant qu’il soit 17 heures et que j’aille chercher Carrie à l’école, je vais sur internet faire d’autres recherches sur les jumeaux séparés.
Je découvre plusieurs livres qui racontent l’histoire de jumeaux ayant été séparés à la naissance pour des raisons scientifiques, cela me révolte, mais comment peut-on faire des choses pareilles au nom de la science ?
Je vois qu’il y a plein de livres qui parlent des jumeaux, je décide d’en commander un, et un autre sur les jumeaux perdus.
Je me stoppe au moment de taper l’adresse, je ne peux pas les faire envoyer ici, si mes parents sont à la maison le jour où ils arrivent, ils risquent de poser des questions. Avec ma mère ça passera, elle pensera que je veux juste avoir des informations, ce qui est vrai de toute façon, mais mon père, ah, s’il n’était pas si stupide !
Je décide de téléphoner à Maria pour savoir si je peux les faire envoyer chez elle.
— Je te manque déjà ? Dit-elle en décrochant.
— Salut Maria ! Ouais, je ne peux pas me passer de toi, tu le sais bien !
— Je sais, je suis irrésistible.
— Bien sûr Maria, sans toi je suis perdu, je te l’ai jamais dit, mais je suis dingue de toi.
— Waouh, moi aussi, c’est trop fort !
On rit tellement on se trouve stupides de faire ça, à chaque fois pratiquement.
— Plus sérieusement, tu voulais quelque chose ? Finit-elle par demander.
— Ouais, en fait je voulais me commander des bouquins sur les jumeaux…
—… Et tu ne peux pas les faire livrer chez toi à cause de ton père.
— Exact !
— Bah, fais-les envoyer chez moi.
— C’est vrai ? Ça te dérange pas ?
— Mais non, si je te le dis, ma mère est OK pour tout ce qui te concerne alors…
— Merci Maria, t’es géniale, je t’adore.
— Ouh… arrête, tu vas me faire rougir.
— T’arrêtes jamais toi ?
— Nan !
— Je voudrais pas jouer les pénibles, chérie, mais faut que j’aille chercher ma sœur.
— Pas d’souci, on se voit plus tard.
— Oki chérie !
— Ah ouais, continue, j’adore !
On rit encore, à cause de nos délires les gens croient qu’on est ensemble, ce qui est au final assez drôle, car ni Maria ni moi n’avons envie d’être plus que des super amis.
— Bon, chou, je te laisse !
— OK ! Salut et merci encore.

Puis je raccroche, finis ma commande en vitesse, éteins mon ordinateur au cas où ma mère rentre plus tôt et vienne dans ma chambre pour je ne sais quelle raison, mais vaut mieux être prudent. Et je file chercher ma sœur à l’école, elle a quatorze ans, elle pourrait rentrer toute seule mais ma mère ne veut pas, alors quand je peux, c’est moi qui m’en occupe.
Nous sommes rentrés, je l’aide à faire ses devoirs et notre mère arrive enfin.
— Bonsoir mes chéris !
— ‘soir maman ! Réponds-je tandis que Carrie court vers elle et l’embrasse comme si ça faisait six mois qu’elle l’avait pas vue.
Ma mère me tend un sac de courses qu’elle a sûrement dû faire avant de rentrer et me dit :
— Range ça, s’il te plaît, ensuite tu peux filer, je m’occupe du reste.
Je ne lui fais pas dire deux fois, j’attendais justement qu’elle rentre pour retourner à mes recherches.
— OK ! Je range ça.
Une fois fait, je monte en courant retrouver ma chambre et mon ordinateur, je le rallume et recommence à chercher d’autres sites ou informations où ils parleraient des jumeaux.

Pendant ce temps en bas :
— Et bien, il était bien pressé ton frère ! Dit ma mère à Carrie.
— Je crois qu’il attendait que ça ! Lui répond-elle.
— Ça quoi ?
— Que tu rentres pour pouvoir monter, il ne m’a presque rien dit en rentrant de l’école et pour mes devoirs, il vérifiait seulement si c’était juste.
— Ah bon ? Continue tes devoirs, je monte une minute.

J’entends frapper à la porte et ma mère dire :
— Samuel, je peux rentrer ?
— Oui ! Réponds-je en affichant une autre page sur l’écran de l’ordinateur, pour qu’elle ne voie pas le sujet de mes recherches.
Elle passe la porte et demande :
— Ça va ?
— Ouais !
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je cherche des chansons !
— Hum, tu avais l’air bien pressé de quitter le salon pour venir ici.
— Ah… j’avais juste envie d’être tranquille.
— Ta sœur m’a dit que tu ne lui avais pas parlé depuis que tu l’as récupérée.
— Maman ! C’est quoi ces questions ? Tu veux savoir quoi ? Ouais, je lui ai rien dit, j’étais ailleurs, c’est pas un crime, elle s’en remettra, c’est pas la fin du monde !
— C’est pas la peine de t’énerver comme ça !
— Pardon, je voudrais être seul, je peux ?
— Oui, je te laisse.
Elle commence à partir puis se retourne et dit :
— Je serai en bas, si tu as besoin de quelque chose.
— Hum…
— Sam, tu peux me parler tu sais !
— Ouais, ouais. Réponds-je, essayant de ne pas lui montrer qu’à cet instant j’aurais voulu rire. Parler, quelle blague, elle non plus ne veut pas parler de ça.
Elle sort enfin et ferme la porte derrière elle, je monte le son de la musique pour bien qu’elle comprenne que je ne veux pas être dérangé. C’est un peu un code en fait, si je mets la musique forte, ça veut dire « interdiction de déranger », si elle est normale, tout va bien.
J’étais tellement absorbé par mes recherches que je n’ai pas vu passer les heures, il est 20 h 15 quand ma mère frappe de nouveau à la porte de ma chambre, je lui ouvre, elle me regarde et dit :
— Mais Samuel, on peut savoir ce que tu fabriquais, tu n’as toujours pas pris ta douche ? On mange maintenant.
— Heu… bah… je faisais des recherches et j’ai pas vu l’heure.
— Hum ! Dit-elle haussant un sourcil comme quand elle suspecte quelque chose. Bon, viens manger et après tu files te laver, demain il y a école même si c’est le dernier jour, tu ne te coucheras pas à minuit.
— Ouais !
Une fois à table, je pensais encore à tout ce que j’avais lu, me disant que j’espérais trouver des réponses dans les livres que j’ai commandés, puis j’entends ma mère hausser la voix et ma sœur rire.
— Hein ? Demandé-je complètement perdu.
— Où étais-tu à cet instant ?
— Ah… heu… très loin.
— Avec une fille ? Me dit Carrie en riant.
— Mange tes frites, toi ! Lui réponds-je légèrement énervé de sa remarque.
— Je te disais donc, qu’est-ce que vous avez prévu avec Maria, Thomas et Jeremy pour cet été ?
— Ah, bah, en fait, je ne te l’ai pas encore dit et j’aimerais que tu ne dises rien à papa, mais on a monté un groupe : Maria chante, Jeremy joue de la batterie, Thomas de la basse et moi, bah, de la guitare, et j’écris les chansons.
— Tu écris des chansons ?
— Ouais, ça fait un moment déjà et le groupe a six mois, on fait des répètes dans le garage chez Jeremy.
— D’accord… je… c’est bien, et vous comptez jouer devant un public ?
— Ouais, pendant les vacances, on a déjà demandé à certains endroits et ils sont OK pour qu’on joue un ou deux soirs.
— Et bien, mon fils futur rock star !
— Ouais, heu, ne t’emballe pas, c’est juste un truc entre potes.
— Oui, oui, bien sûr, et le nom du groupe, c’est quoi ?
— Destroy.
— Ah ! Pourquoi ne veux-tu pas que ton père le sache ? Demande-t-elle
— Pfft ! Il trouvera ça stupide et inutile comme tout ce que je fais et comme d’habitude.
— Ce n’est pas vrai, ton père est fier de toi.
J’éclate de rire, c’est la meilleure.
— Ouais, c’est ça, dans une autre vie sûrement, arrête, je sais très bien qu’il s’en fout de moi, même si je ne sais pas pourquoi.
— Samuel, ton père ne s’en fout pas de toi.
— Si, et ne le défends pas s’il te plaît, il ne supporte pas que je parle de… mon frère. Dis-je dans un souffle, si bien qu’elle n’avait presque pas entendu la fin de ma phrase.
Elle me regarde et ne dit rien, elle sait que j’ai raison, mais comme moi, elle ignore le pourquoi de cette attitude. Après quelques secondes à se regarder en silence, elle dit :
— Tu peux m’en parler si tu veux, si… ça peut te faire du bien.
— Ouais, ça me ferait du bien, mais sois honnête, toi non plus tu n’apprécies pas que je t’en parle, pas pour la même raison que papa mais… Pourtant c’est important pour moi de pouvoir en discuter, parce que sinon j’ai l’impression que ça fait comme s’il ne s’était jamais rien passé, tu comprends, on ne l’évoque pas, il n’est jamais né, je n’ai jamais eu de frère, moi c’est comme ça que je le ressens. Ça fait mal, son absence est une torture, je comprends pas pourquoi c’est arrivé, en plus, quand je vois des jumeaux, tellement proches, tellement complices, je vois tout ce qu’on ne partagera jamais, tout ce à côté de quoi on passe, à cause de quoi ? de qui ? Je ne sais pas.
— Je suis désolée chéri, je ne sais pas ce que tu ressens, c’est vrai, et oui c’est vrai aussi que je n’aime pas trop qu’on en parle mais seulement parce que ça me fait mal de ne pas pouvoir t’aider, de te voir souffrir et de ne rien pouvoir faire pour apaiser ça. Je me sens coupable de la mort de ton frère et à chaque fois que tu en parles cela me rappelle que je n’ai pas su sauver mon fils.
— Je… tu n’es pas responsable du fait qu’il soit parti, je ne sais pas si quelqu’un l’est, je suis désolé que tu ressentes ça, vraiment.
Elle se lève, je fais de même et la serre dans mes bras, je lui dis, toujours dans ses bras :
— Je peux te poser une dernière question ? Après je ne t’en parlerai plus, c’est promis.
— Si tu veux, pose ta question.
— Est-ce que… tu l’as vu… mon frère… tu… tu l’as vu… mort ?
Elle se détache de moi et me regarde droit dans les yeux pour que je comprenne bien qu’elle dit la vérité et répond :
— Non, Samuel, je ne l’ai pas vu, il est sorti en premier…
— Oh, je suis le petit frère alors !
— Oui, et donc, le médecin l’a pris, a regardé ton père qui lui a fait un signe de la tête – je ne sais pas pourquoi d’ailleurs – et le médecin a dit qu’il était décédé et il est parti avec le bébé en disant à la sage-femme qu’il y avait un deuxième enfant… toi. Dit-elle posant sa main sur ma joue. Mais à aucun moment, j’ai eu le droit de le voir, ton père a dit que c’était mieux ainsi.
— Et… le corps qu’en ont-ils fait ?
— L’hôpital s’en est chargé, je n’étais pas d’accord, je pensais que pour toi ce serait mieux si tu avais un endroit où le retrouver, mais encore une fois…
—… Papa s’en est mêlé ? Dis-je en colère.
— Oui, trésor, je suis désolée, il a insisté, j’étais fatiguée, il a donné son accord pendant que je dormais.
— Tu vois déjà à cette époque il ne pensait pas à moi et se foutait de ce qui pouvait être bien ou pas pour moi, si ce qu’il faisait pourrait me faire du mal plus tard.
— Je suis sûre qu’il ne pensait qu’à ton bien. Dit-elle calmement, mais apparemment s’en trop y croire non plus.
— Tu parles !
Je déteste mon père, pourquoi il a fait ça ? Pendant que je pensais, ma mère disait à ma sœur :
— Faudra pas que papa sache que j’ai eu cette discussion avec ton frère, d’accord ?
— Oui, je dirai rien, mais je veux que ce week-end Samuel m’emmène au centre commercial.
— Tout ce que tu voudras. Lui réponds-je. Merci maman.
— Tu montes avec moi ? Je voudrais te parler. Me demande Carrie.
— Oui, OK !
Puis nous montons à l’étage, elle m’entraîne dans sa chambre, s’assoit sur son lit et me demande :
— Pourquoi papa ne veut pas que maman et toi vous parliez de ton frère ?
— Je ne sais pas Carrie, c’est comme ça.
— Est-ce qu’il te manque ?
— Oui, énormément !
— Pourquoi tu as demandé à maman si elle avait vu son corps ? Tu crois quand même pas que papa aurait fait quelque chose de mal à ton frère ? Dit-elle me regardant les yeux pleins de larmes.
Notre père l’aime beaucoup et elle aussi, alors imaginer que son père pourrait être un homme méchant était trop pour elle.
— Non, ne t’inquiète pas ! Dis-je sachant très bien que je lui mentais, mais je pouvais pas lui dire qu’effectivement je crois bien que notre père nous cache la vérité et qu’il dira rien, jusqu’au jour où je découvrirai ce qui s’est réellement passé le 12 novembre 1989.
— Je la serre dans mes bras pour la calmer et lui dis :
— Allez, maintenant il faut te coucher, demain y a école.
— D’accord, bonne nuit.
— Bonne nuit.
Je sors de la chambre et descends voir ma mère, je la trouve au salon, regardant un film, je m’assois à côté d’elle sur l’accoudoir du canapé et lui dis :
— C’est OK, Carrie est couchée.
— D’accord merci, et maintenant va te doucher et te couche pas tard.
— Oki, bonne nuit !
Une fois sorti de la douche, je regarde l’heure, il est 22 h 00, Maria ne doit pas être couchée, j’allume mon ordinateur pour la troisième fois de la journée et lui envoie un message pour lui raconter la conversation que j’ai eue avec ma mère. Et aussi pour savoir ce qu’elle pense de tout ça.
Elle répond un quart d’heure plus tard : « Je ne comprends pas, pourquoi ton père a fait un signe au médecin avant qu’il annonce à ta mère que ton frère était décédé ? »
En lisant ces lignes je me rends compte que le médecin devait demander quelque chose à mon père et qu’il lui a répondu par un signe de tête parce qu’il ne pouvait pas faire autrement vu que ma mère était là. Mais il n’y a aucun moyen d’en être sûr, s’il s’est vraiment passé quelque chose, ni l’un ni l’autre ne parlera. Je le dis à Maria, elle répond : « Ouais, je vois à quoi tu penses, mais comme tu dis, il n’y a aucun moyen d’être sûr qu’il s’est réellement passé un truc ce jour-là ! »
Parfois, j’ai du mal à accepter le fait qu’elle dise tout le temps qu’on est sûr de rien, je le sais ça et je sais aussi que mon père a certainement fait quelque chose avec le médecin et mon frère il y a dix-sept ans. Je suis certain que mon frère, mon grand frère est là quelque part.
Peut-être que mon annonce servira à quelque chose.
Après ça, je décide enfin d’aller dormir, je suis fatigué mais j’ai l’impression bizarre que je ne dormirai pas, je m’allonge et ferme les yeux, je revois la discussion que j’ai eue avec ma mère quelques heures auparavant. Il y a ces mots qui tournent dans ma tête, ces mots que j’ai lus tout à l’heure sur le net : « gémellité », « jumeaux », « ensemble ». Je ne dormirai pas, comme à chaque fois que je parle de mon frère ou que j’apprends de nouvelles choses sur le sujet.
Le lendemain soir, l’année scolaire s’achève enfin, je vais avoir deux mois d’été pour apprendre des tas de choses sur les jumeaux grâce aux livres et attendre de voir si quelqu’un répond à mon annonce.

L’été passe, nous voici en cette soirée du mois de juillet, le 25 pour être exact, jour anniversaire de mariage de mes parents.
Nous sommes tous dans le salon, mes parents rient, ma sœur les observe assise sur un fauteuil en face d’eux et moi, assis par terre près de la cheminée, les jambes ramenées contre mon torse, observant tout le monde.
Nous avons, comme chaque année ressorti tous les albums photos de famille, cela rappelle de bons souvenirs comme des mauvais.
J’ai entre les mains des photos de tous les enfants de la famille, c’est-à-dire ma sœur, moi et nos cousins. Il y a une photo où nous sommes tous dans le jardin, un détail me choque. En observant attentivement la photo, j’ai remarqué que je n’ai jamais l’air heureux même avec un sourire, mais sur celle-là, c’est mon regard qui fait peur, on peut voir cette petite étincelle de vie dans les yeux des autres enfants mais pas dans les miens. C’est comme si j’étais le fantôme de moi-même, mes yeux sont vides et tristes alors que je souris.
Depuis tout petit, je n’ai jamais réellement été heureux en fait, il manque vraiment quelque chose dans ma vie, une absence qui est parfois dure à supporter.
Ma mère s’aperçoit que je suis troublé et me dit :
— Quelque chose ne va pas, chéri ?
— Si, si ça va ! Dis-je totalement ailleurs.
— C’est pas bien convainquant tout ça !
— Ouais, je vais monter, je suis un peu fatigué.
Je commence à me lever, vais déposer l’album sur la table basse, leur dis bonne nuit, mais ma mère me retient par le bras.
— Samuel Mayers, dites-moi ce qui vous tracasse !
— Rien, je pensais seulement à…
Je n’ai même pas le temps de finir ma phrase, mon père me coupe, s’énervant :
— Tu sais très bien ce que je t’ai dit, on en a parlé une fois, ta mère a pensé qu’il fallait que tu saches, c’est fait, alors maintenant oublie.
Je retire violemment mon bras et dis :
— Je monte, je voudrais pas gâcher votre fête.
Je commence à quitter la pièce quand ma mère me tend des photos et me dit :
— Prends ça, elles vont dans ton album, allez, récupère ces photos et file.
Je fais quelques pas en arrière et prends les photos que ma mère me tend sans prendre la peine de les regarder.
J’entends depuis l’escalier mon père qui lui demande de quelles photos il s’agissait, elle lui répond que c’est de simples photos qu’elle avait oublié de mettre dans mon album.
Une fois arrivé dans ma chambre, je claque la porte juste pour énerver mon père, je le déteste tellement, je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas que j’en parle, il s’en fout vraiment de savoir si ça me fait du mal ou pas.
Je me jette sur mon lit, j’ai toujours les photos dans la main, je décide d’y jeter un coup d’œil, ce sont effectivement des photos de moi, le jour de mes six ans, c’est écrit derrière. Je les regarde attentivement, je suis avec un autre petit garçon qui, de toute évidence, me ressemble beaucoup mais je ne crois pas que ce soit un cousin, je ne le connais pas. J’arrive à une photo où on nous voit de face en train de courir en se tenant la main, et là je remarque que mes yeux brillent, comme si un feu y brûlait.
Il faut que je sache qui est ce petit garçon avec moi sur ces photos et pourquoi ma mère ne voulait pas que mon père sache que c’était les photos de mon anniversaire.
Le lendemain, je décide de passer la journée avec Maria, on se rejoint à 10 heures à la fontaine du quartier.
— Salut ! Dit-elle en arrivant.
— ‘lut !
— Waouh, ça, c’est de la motivation.
— Pardonne-moi, j’ai pas beaucoup dormi.
— Encore tes insomnies ?
— Ouais…
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Soirée familiale, album photos, absence de bonheur de ma part sur toutes les photos, sauf sur cinq photos que ma mère m’a données hier soir, sans que mon père le sache, à part ça, ma vie est vide, il n’y a aucune flamme de vie dans mon regard !
— Je suis désolée !
— Tu n’y es pour rien, je suis sûr que le jour où… pfft… enfin…
Elle me prend par la taille et dit :
— Hey ! T’as déjà essayé d’en discuter avec quelqu’un d’autre que tes parents ?
— Non, y à qu’à toi que j’en parle, et à qui veux-tu que j’en parle, mon père a dit que de toute façon il était parti et qu’il y avait rien d’autre à en dire, j’imagine que beaucoup de gens pensent la même chose, sauf que peu de gens peuvent comprendre ce que ça fait de perdre un jumeau.
— Et avec ta mère, ça se passe comment ?
— Et bien, la dernière fois qu’elle m’en a parlé, je lui ai dit que je ne lui en parlerais plus si elle répondait à une dernière question.
— C’était pas malin ça !
— Je sais, mais de toute façon elle non plus, elle n’aime pas en parler.
— Peut-être que ça lui fait mal !
— Oui, elle me l’a dit, mais en attendant personne ne veut que j’en parle alors pourquoi d’autres personnes voudraient m’écouter ?
— J’ai peut-être une solution pour t’aider !
— Je t’écoute.
— Bon, l’annonce dans le journal, ça ne donne rien ?
— Non, pour l’instant, je l’ai quand même fait prolonger jusqu’à fin août, après…
— OK ! Alors tu devrais aller voir le médecin de ta mère, celui qui vous a mis au monde, il pourra peut-être te dire quelque chose, il fera peut-être une gaffe sur un détail.
— Ouais, mais je te rappelle qu’il est tenu au secret professionnel alors même s’il s’agit de moi, techniquement il ne dira rien.
— Tu peux toujours essayer, au pire tu le dis à ta mère pour qu’elle l’appelle, qu’elle lui dise que tu veux juste lui poser une question.
— Ouais, ça peut être une solution. Mais si lui et mon père ont fait un truc ensemble, il ne dira vraiment rien.
— De toute façon, t’as rien à perdre, tu peux apprendre au moins un détail, quelque chose qui pourra t’aider, on sait jamais.
— D’accord, j’irai voir ce gars, j’ai besoin de réponses, il faut que je sache.
— Si tu veux que je vienne avec toi, dis-le-moi et je serai là.
— Pas de problème, merci Maria, merci pour tout ce que tu fais pour moi.
— C’est normal, les amis ça sert à ça !
— Non, toi t’es plus que ça, t’es exceptionnelle, quoi que je dise ou fasse t’es toujours là, quand tout le monde me laisse tomber, c’est toi qui viens me repêcher, je sais pas ce que je ferais sans toi.
— Tu te serais peut-être déjà enfui de chez toi et tu serais parti à la recherche de ton frère en frappant à toutes les portes de la ville. Dit-elle en riant.
— Possible oui.
— Allez, on va retrouver les garçons, ils doivent nous attendre, on va passer la journée à faire de la musique, ça va te changer les idées.
— Ouais, en plus j’ai une nouvelle chanson pour toi.
— Cool !
On a donc passé la journée dans le garage chez Jeremy, ma nouvelle chanson leur a plu mais Maria était tellement bouleversée par le texte qu’elle a voulu que je chante le refrain avec elle. C’est une chanson que j’ai écrite en pensant à mon frère, je regardais les photos que ma mère m’a données avec ce petit garçon et les mots sont venus tout seuls. Maria m’a dit que cette chanson me touchait trop pour qu’elle chante seule donc je me suis essayé au chant et j’ai fait le refrain avec elle.

Une semaine plus tard, ma mère m’annonçait que j’avais rendez-vous le 14 août avec le docteur Garauche, son ancien gynécologue, l’homme qui nous a mis au monde et qui, d’après moi, n’est sûrement pas blanc comme neige par rapport à la disparition de mon jumeau.
L’été passe à une vitesse folle et je n’ai toujours aucune nouvelle suite à mon annonce. Parfois, je me dis qu’il n’habite probablement plus dans cette ville, il m’arrive même de douter de tout. De me dire que je délire peut-être totalement et que ma moitié, mon double, mon jumeau, a bel et bien rejoint les anges en ce jour sombre du 12 novembre 1989. Mais lorsque je lève les yeux vers le ciel, je sens au fond de mon cœur qu’il est impossible qu’il soit là-haut et qu’il est forcément là quelque part, attendant simplement que je le retrouve.
Et c’est ce que je vais faire, nous sommes aujourd’hui le 14 août et dans un peu plus d’une demi-heure, j’ai rendez-vous avec l’ancien médecin de ma mère.
Je ne sais pas s’il me dira quelque chose qui me laissera penser que je me fais pas de fausses idées, mais comme le dit si bien Maria, « qui ne tente rien n’a rien ».
— Samuel, descends, il faut qu’on y aille, sinon tu vas être en retard ! Dit ma mère.
— J’arrive !
Je la rejoins devant la porte, elle me dit :
— Allez, dépêche-toi, il faut quand même un moment pour arriver jusqu’à son cabinet, il te prend déjà entre deux rendez-vous alors il ne faut pas que tu sois en retard.
— Ouais ! C’est OK, on y va. Réponds-je.
On monte en voiture et nous partons, sur le chemin, il y a un silence pesant, mais ma mère le rompt au bout de dix minutes.
— Samuel, je ne comprends pas très bien pourquoi tu veux le voir, tu cherches à te faire encore plus de mal ?
— Maman ! Dis-je d’un ton las.
— Je m’inquiète pour toi, tu sais ! Dit-elle.
— C’est une vraie manie ça ! Tout le monde s’inquiète pour moi. J’ai besoin de réponses maman, je dois savoir, et si ce type peut m’en donner ça m’arrangerait, mais si ce que je suppose est vrai il ne parlera pas.
— De quoi tu parles ? Demanda-t-elle surprise.
— De… laisse tomber, c’est préférable que tu ne saches rien… pour le moment.
— Qu’est-ce que tu me caches ? Demande-t-elle un peu en colère.
— Écoute, tu sauras tout quand j’en serai sûr, je te le promets.
— Pfft ! Soupira-t-elle bruyamment. Comme tu voudras, j’ai dit au docteur Garauche que tu voulais parler de bébé, rien de plus.
Elle arrête la voiture sur un parking et dit :
— C’est l’immeuble juste en face, au premier étage, c’est indiqué.
— D’accord, merci maman, et s’il te plaît ne t’inquiète pas pour moi.
Elle sourit et dit enfin :
— D’accord, j’essaierai, allez, file, je passe te prendre dans une heure, si tu as fini avant tu m’appelles, je reste en ville, j’ai des courses à faire.
— OK ! À tout à l’heure.
Je me dirige donc vers l’immeuble indiqué par ma mère et monte l’escalier, je trouve la porte facilement, sonne et entre comme il est écrit.
— Bonjour !
— Bonjour jeune homme ! Répond la secrétaire.
— Heu… j’ai rendez-vous à 14 heures avec le docteur Garauche.
— Ah oui ! Votre mère m’a appelée je m’en souviens, la salle d’attente est à gauche.
— Merci !
Je m’y dirige et m’assois près de la fenêtre, la femme qui attend me regarde étrangement, elle se demande sûrement ce que je fais là. Je savais que j’aurais dû venir avec Maria, mais je ne voulais pas l’embêter, sa famille est venue pour une semaine et elle ne la voit pas souvent.
J’attends quelques minutes, puis un homme en blouse blanche sort d’une salle avec une femme enceinte. Il lui dit au revoir et se tourne vers la salle d’attente, il n’a pas l’air d’être quelqu’un de méchant, il est assez grand, a les cheveux gris, il doit avoir une cinquantaine d’années, son visage appelle à la confiance, mais il y a quelque chose dans sa façon de sourire qui me dit de me méfier tout de même.
Il dit en me regardant :
— Tu dois être Samuel Mayers.
— Ouais ! Réponds-je en me levant.
Il me serre la main et me fait signe de rentrer dans son bureau.
Il s’assoit et me dit d’en faire de même, en face du grand bureau qui nous sépare.
Il commence :
— Alors ! Comment va ta mère ?
— Heu… bien, bien !
— Elle a dit à ma secrétaire que tu voulais parler d’enfant mais j’imagine que ce n’est pas pour me demander comment on fait ? Plaisante-t-il.
— Et bah non… et c’est pas non plus pour parler d’enfant que je suis là.
— Ah ? Et quelle est la raison de ta présence alors ?
— Mon jumeau ! Dis-je en le regardant droit dans les yeux.
Il se raidit sur son fauteuil et jette un rapide coup d’œil à une armoire métallique derrière moi.
— Ton… jumeau. Répète-t-il.
— Oui ! Vous vous souvenez que nous étions deux à naître le 12 novembre 1989 ?
— Et bien oui, mais ton père a dû te l’expliquer, ton frère était mort.
Il insiste sur ce dernier mot, je déteste ça, je hais ce mot, en plus il insiste bien comme pour dire « c’est pas la peine de fouiner, il n’y a rien d’autre à dire ». En plus, pourquoi est-ce mon père plus que ma mère qui aurait dû me le dire ?
Je lui pose la question :
— Pourquoi mon père plus que ma mère ?
Il a l’air gêné mais essaye de le cacher, je crois que mes questions l’agacent.
— Parce qu’il l’a vu mort !
Il insiste encore sur ce mot.
— Il se trouvait à côté de moi. Reprend-il. Et donc il a vu que l’enfant était sans vie. Dit-il sur un ton qu’il veut détaché.
Mensonge, ma mère a dit que mon père était à côté d’elle, qu’il lui tenait la main et qu’il avait fait un signe approbateur au médecin lorsque mon frère était sorti et qu’il s’était tourné vers lui pour lui poser une question silencieuse, enfin ça, c’est ce que j’en ai conclu, mais mon père ne pouvait pas voir que mon frère ne vivait plus de là où il était. Il ment, c’est une certitude mais je ne dirais rien.
Je reprends :
— Et pourquoi n’êtes-vous pas intervenu quand il a donné l’ordre que l’hôpital se charge de son corps ?
— C’était sa décision ! Dit-il simplement.
— Faux et vous le savez, ma mère était contre, elle vous l’avait dit quand elle a su que mon frère était… parti.
Il paraît de nouveau gêné et dit :
— Je ne sais pas, tu sais, ça fait presque dix-huit ans, je ne m’en souviens plus. Mais qu’est-ce que tu cherches à me dire ?
Je vais jouer la carte de la tristesse, on verra bien s’il réagit.
— Bah… il me manque affreusement et je n’ai même pas d’endroit pour le retrouver. Dis-je en baissant la tête comme si j’allais pleurer.
Je le vois de nouveau regarder discrètement vers cette armoire, il y a forcément quelque chose là-dedans et il a l’air de penser que ce n’est plus en sûreté.
— Je suis désolé. Finit-il par dire.
— Vous ne pouviez vraiment rien faire pour le sauver ? Demandé-je en mettant le plus de tristesse possible dans ma voix.
— Non, c’était trop tard ! Répondit-il un peu trop ravi.
— Est-ce que vous saviez qu’il y a des années on séparait les jumeaux pour les étudier ?
— Oui bien sûr ! Pour les besoins de la science. Dit-il en se levant et faisant face à la fenêtre.
— Vous comprenez que l’on puisse faire souffrir deux personnes qui ne sont pas censées vivre loin l’une de l’autre pour les besoins de la science ?
— Oui ! Mais personne ne t’a séparé de Za… heu, de ton frère. Se rattrape-t-il.
Il a failli dire un prénom là, j’ai pas rêvé, il sait quelque chose mais je dois faire croire que je n’ai pas remarqué son erreur et enchaîne en disant tristement :
— Si, vous ! Vous l’avez fait !
Je le vois relever la tête rapidement mais il ne se retourne pas et ne dit rien. Un silence s’installe, il semble réfléchir puis regarde rapidement sa montre et dit :
— Bon, c’est pas tout mais j’ai des patientes à voir, allez.
Il me fait sortir de son bureau et ajoute :
— Au fait, tu passes en terminale ?
— Oui !
— Ah bien, il ne te reste plus qu’une année à faire à Schield ?
— Ouais, tant mieux !
Il rit et me dit au revoir.
— Au revoir.
Je sors du bâtiment et vois ma mère garée au même endroit que tout à l’heure sur le parking, je m’avance vers la voiture quand soudain quelque chose m’interpelle. Comment sait-il que je suis au lycée Schield ? Il y a deux lycées en ville, je monte en voiture et demande à ma mère :
— C’est toi qui as dit à Garauche que je suis au lycée Schield ?
— Non ! Répond-elle surprise. Mais vu où nous habitons maintenant, il a dû s’en douter, c’est plus près que Jenper.
— Hum ! Tu as sûrement raison, il faut que je voie Maria, tu peux me déposer ?
— Quelle question ! Rit-elle. Elle habite en face de chez nous, bien sûr que je peux te déposer.
Le silence s’installe de nouveau, mais comme à l’aller, c’est elle qui le brise.
— Est-ce qu’il t’a aidé au moins ?
— Ouais ! On peut dire ça comme ça.
— Sam !
— Maman ! Ne t’inquiète pas, je me débrouille.
Le reste du trajet se passe en silence, ma mère se pose des questions, je sais qu’elle reviendra me soumettre, mais pour le moment je ne peux rien lui dire. Si tout ça n’est pas vrai, ça lui ferait trop de mal que je lui en parle maintenant alors que si j’attends d’en être sûr, j’aurais sûrement des preuves à fournir, c’est mieux si pour le moment il n’y a que moi qui souffre.
Elle me dépose chez Maria et rentre directement.
Je sonne, c’est Maria qui ouvre.
— Salut ! Dit-elle avec un large sourire.
— Salut ! Est-ce que je peux te kidnapper à ta famille un moment ?
— Ouais bien sûr ! Ils verront même pas que je suis partie, je dois dire que tu me sauves la vie en fait. Depuis ce matin, ils ne font que regarder les albums photos en me parlant comme si j’avais encore quatre ans et demandent à ma mère de leur raconter tout ce que je fais, c’est l’horreur !
— Cool la famille ! Dis-je en rigolant.
— Allez, viens, on va faire un tour. Au fait, ton rendez-vous, ça s’est passé comment ? Demande-t-elle en fermant la porte.
— C’est pour ça que je suis venu te voir.
Je lui raconte tout ce qui s’est passé et lui dis :
— Mais il faut que j’y retourne, un soir, pour regarder ce qu’il y a dans cette armoire avant qu’il ne la déplace.
— Sam ! T’as perdu la tête ? Demande-t-elle presque en criant de stupéfaction.
— Mais non ! Calme-toi, il cache quelque chose, il a failli dire un prénom, mon frère est en vie, c’est certain et il sait où il est. Je ne laisserai pas le temps nous séparer davantage, je ne peux pas fouiller son bureau à un autre moment que la nuit. Je ne te demande pas de venir avec moi, mais il fallait que je t’en parle simplement.
— Samuel, tu peux pas faire ça ! Essaye-t-elle de me raisonner.
Mais rien ne me fera changer d’avis, mon frère, mon jumeau, ma vie est là dehors et je jure à qui veut l’entendre que je le retrouverai même s’il faut que je vende mon âme ou que j’enfreigne toutes les lois de ce monde.
— J’ai jamais rien fait d’illégal, même si je ne respecte jamais aucune des règles que l’on tente de m’imposer, j’ai jamais fait de tort à qui que ce soit mais là, il faut que je le fasse avec ou sans ton accord.
Elle me regarde intensément, comprenant que je suis prêt à donner ma vie pour le retrouver et me dit :
— Alors laisse-moi t’accompagner.
— Quoi ? Mais y a une seconde…
— Chut ! Me coupe-t-elle. Je vais sûrement pas te laisser faire un truc pareil tout seul quand même. J’adore prendre des risques et je te serai certainement utile.
— Je connais ton goût du risque, mais je ne veux pas que tu aies des ennuis. Là, c’est vraiment risqué… quoique… en fait, pas vraiment.
— Explique-toi !
— En fait, j’ai remarqué qu’il y avait plein de fils qui sortaient des murs, alors j’ai demandé ce que c’était et la secrétaire m’a dit qu’ils allaient changer leur alarme, que pour l’instant il n’y en avait plus à cause d’un court-circuit, elle m’a dit de ne pas l’ébruiter mais bon…
— Donc, il n’y aura pas d’alarme, c’est cool ! Dit-elle hyper enthousiaste alors qu’on s’apprête à faire quelque chose d’interdit.
— Exact ! Mais il y a des serrures, je te rappelle que toute porte ferme à clé.
— Ouais, mais c’est OK, j’ai ce qu’il faut, on y va quand ? Demande-t-elle avec un énorme sourire.
— Ce soir serait bien, au moins on est sûrs que l’alarme ne sera pas réparée et je ne pense pas qu’il aura enlevé les dossiers.
— D’accord, pas de problème pour moi, je me libérerai.
— Moi aussi, je trouverai un truc à raconter pour sortir, pour aller et revenir de là-bas il y a les bus de nuit, donc il n’y aura pas de souci. On se retrouve ici à 22 heures, OK ?
— Pas de problème.
Après cela, nous rentrons. Le temps passe vite, très vite, il est déjà 10 heures moins 10, je sors de chez moi et retrouve Maria, dix minutes plus tard, nous montons dans le bus. Après une bonne demi-heure de trajet, nous descendons à l’arrêt en face de l’immeuble.
Nous y entrons et allons au premier étage, nous nous arrêtons un peu avant la porte, quelqu’un est en train de sortir de son appartement, Maria me plaque contre le mur et m’embrasse.
Je suis tellement surpris que je mets un temps à comprendre pourquoi elle fait ça. Son baiser est doux et tendre comme si elle y mettait toute sa passion et son amour, mais un amour que l’on a décidé de ne jamais partager. Au bout de quelques secondes, l’homme s’éloigne en disant :
— Oh ces jeunes !
Maria me lâche, j’enlève rapidement mes mains que j’avais posées dans son dos, on se regarde, elle sourit, on est gênés, c’est étrange, mais elle se reprend, s’avance vers la porte et introduit quelque chose dans la serrure.
Je suis stressé alors que Maria a l’air d’avoir fait cela toute sa vie. J’ai à peine le temps de me retourner pour voir si personne n’arrive qu’elle me tire déjà par le bras pour me faire entrer et referme la porte derrière moi.
— T’es incroyable, tu m’avais jamais dit que tu savais forcer des serrures. Dis-je en allumant les lampes de poche et en lui en donnant une.
— Souvenir de mon père ! Certains pères apprennent à leurs enfants à faire du vélo, à nager ou autre, le mien m’apprenait à faire ça, ce qui lui a valu comme tu le sais un aller simple pour la prison.
— Ouais !
Je la conduis jusqu’au bureau du docteur Garauche, la porte est ouverte, je lui montre l’armoire qu’il regardait sans cesse, on commence à fouiller les tiroirs à la recherche d’un dossier suspect mais rien que des dossiers de ses patientes.
Mais Maria me montre que le tiroir du milieu ferme à clé, elle l’ouvre en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
On cherche tous les deux, s’apercevant qu’il n’y a que des dossiers d’enfants et plus précisément de jumeaux et de jumelles, je ne sais pas exactement ce que fabrique ce médecin, mais je ne dois pas être le seul à avoir perdu momentanément ma moitié.
J’en trouve un avec mon nom, je commence à chercher s’il n’y en a pas un avec un prénom commençant par « Za » mais rien.
Maria me dit :
— Prends-le, on s’en va.
— Tu veux que je l’emmène ?
— Oui ! On n’a pas toute la nuit, allez ! Dit-elle sur un ton ferme.
Elle referme à clé le tiroir, nous sortons du bureau et nous dirigeons vers la sortie.
Maria entrouvre la porte pour vérifier que le couloir est vide, elle me pousse dehors et referme la porte derrière elle, nous sortons de l’immeuble en croisant l’homme de tout à l’heure. Maria me prend la main et il dit :
— Alors on s’embrasse dans les couloirs des immeubles, garnements ?
Maria lui sourit et serre plus fort ma main. L’homme s’éloigne mais Maria ne lâche pas ma main, je ne comprends pas mais ne pose pas de question, nous nous asseyons à l’arrêt de bus et attendons que le bus arrive pour rentrer chez nous.

4

Voilà, j’ai maintenant un peu plus de dix-sept ans presque dix-huit en fait et je vais vous raconter la suite de mon histoire.
Il est 13 h 30, je vais rejoindre Maxime en ville, il m’attend à un café, il voulait qu’on boive un coup et que nous allions nous balader comme on le fait souvent les week-ends.
Je marche un peu vite, je n’aime pas être en retard, j’écoute de la musique en même temps, les gens doivent croire que je suis dingue, je joue, en même temps que la chanson, les accords de guitare.
Soudain, quelqu’un m’attrape le bras, je me retourne brusquement dégageant mon bras en même temps.
Une fille me fait face, elle est assez jolie, me sourit mais j’ignore qui elle est, elle commence à s’avancer vers moi pour me faire la bise, je me recule et retire mes écouteurs. Elle fait une tête étonnée et dit :
— Sam, qu’est-ce qui te prend ? Ça va pas ?
— Heu ! Pardon, mais je crois que tu te trompes de personne, je ne m’appelle pas Sam.
Elle rit, je ne comprends pas, je n’ai rien dit d’hilarant.
— Arrête de faire l’andouille, on se voit toujours demain ?
— Non, vraiment, je ne suis pas Sam, il faut que tu me croies.
— Bon, écoute, je crois pas que tu aies un clone dans cette ville alors arrête ça, c’est pas drôle.
— Je suis désolé, mais je t’assure que je ne suis pas qui tu crois, je ne connais pas de Sam, tu te trompes de garçon.
Elle hésite quand même et dit :
— D’accord ! Je suis désolée de t’avoir dérangé mais tu ressembles tellement à l’un de mes copains, je te jure, un vrai clone.
— C’est pas grave, tu sais, il paraît qu’on a tous un clone dans le monde, nous, on doit avoir le nôtre dans la même ville.
Elle rit encore, je ne sais pas qui est ce Sam, mais il a de la chance de connaître cette fille, elle a l’air super. Elle dit enfin :
— Tu as sûrement raison, bon et bien je me sauve, peut-être à un de ces quatre.
— Ouais, salut !
Elle s’en va et je reprends mon chemin. Soudain, je me mets à penser que quand j’avais quinze ans une femme au cinéma a cru aussi que j’avais un frère, elle avait dû voir ce garçon aussi, je pense.
Peut-être qu’effectivement j’ai un clone dans cette ville ? Cette pensée me fait sourire. J’arrive enfin au café où Max m’attend, il me voit sourire et me demande :
— Qu’est-ce que t’as à sourire comme ça ? T’as croisé la femme de tes rêves ?
— Heu, non, mais j’ai vu une fille assez jolie, elle m’a pris pour quelqu’un d’autre.
— Ah ! Et c’est ça qui te fait marrer ?
— Bah, c’est pas la première fois que ça m’arrive, c’est tout.
Le serveur arrive et coupe notre conversation.
— Vous désirez, Messieurs ?
— Un coca, s’il vous plaît.
— Pareil pour moi, merci.
Il repart, Maxime engage une autre conversation.
— Dans une semaine, c’est les vacances, tu vas partir ?
— Non, pas cette année et toi, comme d’habitude tu restes ?
— Bah ouais, tant mieux comme ça, on pourra faire plein de trucs ensemble, pas comme d’habitude.
— Ouais, ça va être sympa.
— On va pouvoir aller au lac, se faire bronzer et regarder les jolies filles.
— Max ! Il y a que ça qui t’intéresse ? Tu es irrécupérable.
— Bah quoi ? Me dis pas que t’en as pas envie, ça fait combien de temps qu’on est célibataire toi et moi ?
— Oulah ! Longtemps, mais ça colle jamais avec la fille, y a toujours un truc qui va pas, quelque chose qui manque, c’est pas comme je le voudrais.
— T’es trop exigeant mon pote !
— Ouais, peut-être.
Le serveur revient avec notre commande, il pose les verres sur la table et Max lui demande le journal. Il se retourne et l’attrape sur une table un peu plus loin.
— Voilà monsieur. Dit-il en tendant le journal à Maxime.
— Merci !
Maxime commence à le lire, le silence s’installe, j’observe les gens qui passent quand soudain il me dit :
— Dis-moi, Zac, t’as déjà pensé à retrouver ta famille biologique ?
Cette question me surprend, on n’avait jamais reparlé de ça depuis le soir où je lui avais dit que j’avais été adopté. Je mets quelques secondes à lui répondre :
— Heu… et bien… non.
— Mais pourquoi ? Enfin, si ça ne te gêne pas d’en parler.
— Bah, j’ai souvent pensé à ça, lorsque mes parents m’ont dit que je n’étais pas leur fils biologique et en y réfléchissant bien, pourquoi je voudrais retrouver des gens qui m’ont abandonné ?
— Bah…
— Non, mais s’ils l’ont fait, c’est qu’ils ne voulaient pas de moi, alors pourquoi j’aurais envie de vivre avec des personnes qui ne me veulent pas à leurs côtés. J’aime mes parents, ils se sont toujours bien occupés de moi, ils sont toujours là quand j’en ai besoin et ma sœur est sympa, vraiment, même si on se chamaille parfois, on s’entend bien.
— D’accord, mais si jamais tu as été abandonné avec un autre frère ou une autre sœur, tu ne voudrais pas savoir où ils sont ? Eux n’y sont pour rien.
Là il marque un point, mais je n’ai jamais pensé à cela auparavant. Mes parents m’ont juste dit qu’ils m’avaient adopté mais pas si j’étais seul ou non.
— Bah, en fait je n’y ai jamais pensé, mais pourquoi ces questions ?
— Je voulais juste savoir, si ça te gêne, je ne te poserai plus de question là-dessus.
— Non, c’est pas grave et de toute façon, t’es mon meilleur pote, alors si je ne t’en parle pas à toi, à qui d’autre vais-je en parler ?
— Ouais, c’est cette annonce qui m’y a fait penser. Me dit-il en me tendant le journal, il me montre une annonce, je la lis : « J’ai dix-sept ans, je m’appelle Samuel, je suis né le 12 novembre 1989, je suis à la recherche de mon frère jumeau. Il a été adopté, je pense qu’il habite toujours dans cette ville, si jamais un garçon de dix-sept ans ayant été adopté pense pouvoir être mon frère, merci de me contacter au 06……, c’est très sérieux et très important. »
Je reste quelques secondes les yeux rivés sur cette annonce et comme un flash-back, je repense à la fille de tout à l’heure, elle m’a appelé Sam, c’est bizarre. Puis je me dis que la ville est grande et qu’il n’y a sûrement pas qu’un seul Sam. Je regarde encore ces mots : « frère jumeau », je ne comprends pas pourquoi, mais en les voyant je ressens un truc inexplicable. Je rends le journal à Maxime et lui dis :
— J’espère qu’il le retrouvera, on ne devrait jamais séparer les jumeaux, les gens sont vraiment horribles parfois.
— Je ne te savais pas défenseur des jumeaux.
— Bah, mes cousins sont jumeaux et je crois qu’ils ne supporteraient pas d’être séparés, ma tante voulait leur donner des chambres séparées, ça a été le plus grand drame de leur vie, ils sont toujours collés l’un à l’autre.
C’était bien vrai mais ce que j’ai ressenti en lisant l’annonce n’a pas de rapport avec mes cousins. J’ignore pour quelle raison j’ai eu cette drôle de sensation.
— Bon, si on bougeait de là, hein ? Si on allait faire un tour, prendre un peu le soleil ?
— OK ! Allez, go !
On est restés en ville tout l’après-midi, on a rencontré des potes du lycée, donc on a discuté un long moment. Et comme le temps passe toujours vite quand on n’est pas en cours, il est déjà 18 h 15, je dois rentrer, il y a certaines règles à respecter chez moi et si je veux pouvoir ressortir le soir, je dois être à la maison à 18 h 30.
— Bon les mecs, il faut que j’y aille, on se voit plus tard.
— OK ! Lancent-ils à l’unisson.
— Attends, Zac ! Je rentre aussi. Dit Maxime.
On fait le trajet retour en parlant de tout et de rien, on rigole en repensant aux blagues stupides de Tim. Puis on arrive devant chez Max, je l’accompagne jusque dans la petite allée et lui dis au revoir, il rentre et je reprends mon chemin.
Je n’habite qu’à quelques maisons de la sienne, en chemin, je repense à ce qu’on s’est dit tout à l’heure et si j’avais des frères et sœurs qui ont été adoptés ailleurs. Je décide de questionner mes parents en rentrant, j’arrive chez moi, il n’y a personne, juste un mot sur le frigo qui dit : « Mon chéri, on est allés faire des courses, on sera rentrés vers 20 h 00, bisous, maman. »
Bon, je leur parlerai plus tard, je monte dans ma chambre et mets de la musique, j’attrape ma guitare et joue en même temps que le groupe que j’écoute. Mes accords se mêlent à ceux du guitariste, j’aime cette union, quand on ne sait pas distinguer lequel joue le morceau.
Je m’occupe comme je peux pour faire passer le temps jusqu’à ce que mes parents rentrent, j’ai vraiment envie de savoir. Je décide d’aller prendre une douche pour me détendre, je suis nerveux, je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours pu discuter de tout avec mes parents. Mais là, peut-être que c’est différent, on n’en a jamais reparlé depuis mes quinze ans quand ils me l’ont dit.
Je suis en train de me rhabiller quand j’entends la porte d’entrée, je regarde l’heure : 20 h 15. Je descends et vois mes parents, ainsi que ma sœur, les mains remplies de sacs, je me dirige vers ma mère et en disant bonjour, récupère ses sacs et les porte à la cuisine.
— Merci, mon grand ! Dit-elle.
— Vous avez fait des courses pour tout un régiment. Dis-je en riant.
— Ah ! Tu connais ta mère, elle a toujours peur qu’on meure de faim. Dit mon père en souriant à ma mère qui lui rend son sourire.
— Dis, papa, il faudrait que je vous parle tout à l’heure.
— Bien sûr, après manger si tu veux, vu qu’il est tard on s’est arrêté prendre des pizzas.
— Cool !
— Mais on n’en a pas pris pour toi, on a pris que des pizzas avec du poisson. Dit Jennyfer.
— C’est vrai ? Demandé-je à mon père qui me regardait en souriant, sachant très bien que Jenny blaguait et qu’encore une fois j’avais marché.
— Mais non, elle te taquine.
Je la regarde et lui tire la langue.
— Ah, si t’avais vu ta tête, petit frère.
— T’es nulle ! Mais c’est vrai qu’avec toi on peut s’attendre à tout.
— Les enfants, à table ! Crie ma mère depuis la salle à manger.
Une fois à table, ma mère me tend le carton.
— Quatre fromages ?
— Devine.
Je souris, je sais qu’elle y a pensé, elle est super.
— Ah, j’adore les pizzas.
— Non, sans blague ! Dit Jennyfer.
— Roh, ça va, t’es pareille toi, alors arrête.
Le reste du repas se passe dans la bonne humeur, j’aime ma famille, même si ce n’est pas ma vraie famille, pour moi ils le sont. Je vais quand même leur poser la question, car comme l’a fait remarquer Max, si j’ai des frères et sœurs, ils n’y sont pour rien dans le fait qu’on nous ait abandonnés et en fait j’aimerais bien les retrouver.
J’aide mon père à débarrasser la table, pendant que ma mère discute avec ma sœur au salon.
— Alors fiston, qu’est-ce que tu voulais nous dire ?
— Heu… je voudrais que maman vienne aussi.
— D’accord, alors allons la rejoindre.
Une fois au salon, mon père demande à Jenny de nous laisser car il faut qu’on se parle, elle monte à l’étage, on n’est plus que tous les trois et je sens de nouveau le stress m’envahir.
Mon père s’assoit au côté de ma mère sur le canapé tandis que je leur fais face en me mettant dans le fauteuil.
— Chérie, Zacharry veut nous dire quelque chose.
— Bien, vas-y, nous t’écoutons.
— Bah voilà, heu… je voulais savoir si j’avais des frères et sœurs biologiques ?
Ma mère fond en larmes, je ne comprends pas, qu’est-ce que j’ai dit ?
— Mais maman !
— Zac, tu veux t’en aller ? Dit-elle, en pleurs.
— Mais, non, je veux pas vous quitter, je voulais seulement savoir si vous n’avez adopté que moi parce que j’étais tout seul, ou si on était plusieurs de la même famille et que vous m’avez juste pris moi parce que vous ne vouliez qu’un seul enfant ?
Ma mère pleure beaucoup, ça me fait de la peine, je ne l’avais jamais vue comme ça, mais je ne peux pas arrêter là. Mon père la serre dans ses bras pour tenter de la consoler.
— Zac ! Dit-il. On voulait un garçon, on nous a téléphoné pour venir te chercher, ce qu’on a fait, le reste on n’en sait rien, tu étais seul dans les bras d’une femme quand nous sommes arrivés.
— Vous savez vraiment rien ? Même pas si j’ai un frère ou une sœur, ou si mes parents sont encore ici ? Ils ne disent pas ces choses-là lors d’une adoption ?
— Mais qu’est-ce qu’on a fait de mal ? Demande ma mère recommençant à pleurer.
— Rien, je vous aime, j’ai seulement besoin de savoir, si jamais je…
Il ne me laisse pas le temps de finir, mon père crie :
— Ça suffit, Zacharry ! Monte dans ta chambre.
— Mais papa, vous…
— Monte tout de suite ! Crie-t-il plus fort.
Je regarde mes parents, là je suis perdu, pourquoi réagissent-ils comme ça, ils ne m’ont pas compris je crois, la seule chose qu’ils ont cru entendre, c’est que j’allais les quitter mais je n’en ai pas l’intention. Est-ce que tous les parents ayant adopté un enfant réagissent ainsi lorsqu’il pose des questions sur sa famille biologique ?
Je monte rapidement, croise Jennyfer sur le palier.
— Pourquoi ça crie en bas ?
— Pour rien ! Réponds-je énervé, elle n’a rien fait, je sais, mais tant pis.
Je m’enferme dans ma chambre, mets la musique à fond et me jette sur mon lit, j’ai besoin de réfléchir à tout ce qui s’est passé aujourd’hui. J’ai jamais vraiment pensé à ma famille biologique avant, mais en lisant l’annonce dans le journal, ce garçon a vraiment l’air désespéré de retrouver son frère et moi je n’y ai même pas pensé une seconde.
Si mes parents ne peuvent rien me dire, comment je vais faire ?
Je réfléchis et réfléchis encore, puis au bout d’une demi-heure, je me dis que le centre d’adoption doit sûrement avoir un dossier, des certificats de naissance ou quelque chose. Oui, mais je ne connais pas le nom du centre, quoique je crois qu’il n’y en a qu’un ici, je regarderai dans l’annuaire ou sur internet.
Je m’approche de la fenêtre, la nuit est tombée depuis un moment maintenant, la lune est pleine et brille juste devant ma fenêtre.
Alors je me dis que si j’ai des frères et sœurs là dehors que la lune m’en soit témoin, je les rechercherais et les retrouverais.
Même s’ils ne veulent pas me revoir après, au moins savoir qu’ils sont là et qu’ils vont bien.
Je pense que je m’occuperai de ça dans une semaine, comme il ne reste plus qu’une semaine avant la fin des cours, j’aurais deux mois pour les rechercher.
Le lendemain matin, je me lève dès que le réveil se met à sonner, pour une fois je ne traîne pas, je descends dans la cuisine, fais chauffer de l’eau et sors une tasse quand mon père entre dans la pièce.
— Bonjour Zacharry.
— ‘jour.
— Tu sais, pour hier soir…
Je le coupe mais ne me retourne pas.
— Non, c’est bon, si vous ne voulez pas en parler je ne dirais plus rien, j’ai jamais eu l’intention de partir, c’était juste parce que Maxime m’avait posé la question dans l’après-midi c’est tout, je voulais juste savoir.
— Ce qui est tout à fait ton droit. Me répond-il calmement.
L’eau est chaude, je fais du thé et m’assois à table.
— Il y a quelque chose que tu dois savoir, ce n’est pas grand-chose mais ça t’aidera peut-être.
— Vas-y, dis.
— Bien voilà, quand tu étais petit, tu demandais souvent où était ton frère, on ne savait jamais quoi te répondre, on ne savait pas si tu avais des frères et sœurs et nous n’avons jamais cherché à le savoir parce que nous ne pouvions pas adopter d’autres enfants. Mais si tu te rends au centre d’adoption, ils te le diront, ils doivent savoir tout ça, ils pourront t’aider.
— Merci papa, vraiment merci. Lui dis-je en posant ma tasse dans l’évier.
Je commence à quitter la cuisine lorsqu’il dit :
— Zac ?
— Oui ?
— Pas un mot à ta mère s’il te plaît et si tu fais des recherches, ne dis rien, s’il te plaît, ta mère s’inquiète beaucoup trop.
— Ne t’en fais pas, je ne dirai plus un mot sur le sujet.
Sur ce, je sors de la pièce et vais finir de me préparer pour aller en cours.
En chemin, je pense à ce que mon père a dit, que je demandais où était mon frère, donc de toute évidence, j’ai au moins un frère.
C’est drôle quand même que jusqu’à maintenant je n’ai jamais pensé qu’il se pourrait que j’ai des frères et sœurs biologiques et aujourd’hui je suis prêt à tout pour les retrouver.
Peut-être parce que j’aimerais pouvoir parler de tout ça avec quelqu’un qui sache vraiment ce que c’est que d’être adopté.
Et puis comme l’a dit Maxime, ils n’y sont pour rien dans le fait qu’on nous ait abandonnés.
Peut-être qu’ils sont trop jeunes encore pour se poser des questions sur leur famille biologique donc je dois les retrouver.
J’arrive devant le lycée et aperçois Maxime et les autres, je les rejoins.
Je décide de ne pas parler de tout ça à Maxime pour l’instant, je le ferai quand j’aurai des certitudes sur leur existence.
La journée se passe normalement, un jour de plus au lycée, avec des cours tous plus ennuyeux les uns que les autres, heureusement qu’il y a le sport sinon on dormirait toute la journée.
On finit une heure plus tôt cet après-midi, l’un de nos profs est absent, donc on finit à 15 heures. Maxime et moi décidons de raccompagner nos potes et de rester un peu en ville.
Une heure plus tard, ils étaient tous rentrés, nous décidons de rentrer aussi en passant le long du fleuve, ce qui nous fait passer pas loin du lycée Schield.
En chemin, nous discutons de tout et de rien lorsqu’un homme assez grand, une casquette enfoncée sur la tête, de grosses lunettes de soleil et un long manteau surgit devant nous.
On tente de s’écarter un peu pour pouvoir continuer notre route, mais l’homme nous en empêche.
Il me fait face et dit :
— Arrêtez de fouiller, arrêtez vos recherches immédiatement.
Maxime me regarde surpris, mais je le suis autant que lui, je ne connais pas ce type et j’ignore de quoi il parle, je lui demande :
— De quoi vous parlez ? Et qui êtes-vous ?
— Ne cherchez plus, arrêtez de chercher à déterrer le passé.
— Je ne comprends rien, laissez-moi. Dis-je en essayant de partir à nouveau, mais il me retient par le bras, je le retire violemment.
— Ne cherchez pas, arrêtez tout ou vous pourrez le regretter.
Puis il s’en va. Je regarde Maxime qui observait la scène légèrement en retrait, il demande :
— C’était qui ce mec ? Qu’est-ce qu’il te voulait ?
— Je ne sais pas du tout, je l’ai jamais vu et même si je le connais, vu comment il était habillé je ne pouvais pas le reconnaître et j’ai comme l’impression que c’était le but.
— De quoi il parlait ?
— Je ne sais pas non plus, il parlait de recherche, de ne pas déterrer le passé, c’est qui ce mec bordel ? Dis-je en m’énervant.
— Hey ! Du calme, c’était peut-être juste un cinglé.
— Ouais, ils sont pas nets les gens dans cette ville, mais quand même il avait l’air sûr de ce qu’il faisait.
— Je sais pas quoi te dire. Dit-il enfin. Allez, on rentre.
— Ouais.
Le lundi suivant, début des vacances d’été, j’ai décidé d’aller au centre d’adoption voir s’ils peuvent me dire quelque chose.
Si jamais ils peuvent me parler de mon frère et des autres s’il y en a.
Il est tout juste 13 heures, mais je quitte la maison, il me faudra un moment en bus pour arriver jusque là-bas.
Dix minutes plus tard, je prends le premier bus duquel je descends au bout d’une demi-heure de trajet.
Après avoir changé de bus trois fois, je ne suis plus qu’à cinq minutes de marche du centre.
Cinq minutes de marche me séparent de la vérité sur ma famille. En fait, je sais pourquoi je n’ai jamais pensé que je pourrais avoir des frères et sœurs dans le même cas que moi, parce que, que j’ai été adopté est un fait, mais que mes frères et sœurs l’aient été aussi est inacceptable.
D’un côté, j’espère qu’ils me diront que j’étais seul, juste pour être sûr que le reste de ma famille biologique n’est pas éparpillé et seul quelque part.
Et d’un autre côté, si j’ai effectivement des frères et sœurs, je veux savoir où ils sont, s’ils vont bien et leur dire que je suis là.
Je suis devant la porte, je frappe et entre. Une femme est à l’accueil, je lui demande :
— Bonjour, j’ai été adopté chez vous il y a dix-huit ans, est-ce que je pourrais parler à quelqu’un s’il vous plaît ?
— Oui, bien sûr, suivez-moi.
Elle me guide vers une grande salle, où il y a un bureau et me dit :
— Vous avez de la chance, le lundi il n’y a pas d’adoption, attendez ici, je vais chercher quelqu’un.
Elle revient quelques minutes plus tard avec une autre femme d’un certain âge et retourne vers l’entrée.
La dame me dit de m’asseoir et fait le tour du bureau pour me faire face, m’observe un instant et demande :
— Alors qui es-tu ?
— Zacharry Sanders, j’ai été adopté ici il y a presque dix-huit ans.
— Ah oui, je me souviens des Sanders, un couple adorable.
— Hum, c’est exact, mais ce n’est pas pour cela que je suis ici.
— Ah ? Et pourquoi es-tu venu ?
J’aurais pensé qu’elle l’aurait deviné, mais de toute évidence elle a dû croire à une visite de courtoisie ou je ne sais pas quoi. Je reprends :
— Et bien, j’aurais voulu savoir si vous pouviez me dire qui m’a amené ici et si j’ai des frères et sœurs qui auraient été adoptés ailleurs.
Elle m’observe étrangement et répond sur un ton à la limite de l’énervement :
— Je ne peux pas vous donner ces réponses, il est possible de consulter votre dossier mais les archives sont fermées durant les deux mois d’été.
— Tout l’été ? Dis-je, anéanti par la nouvelle.
— Oui ! Répond-elle, presque heureuse de mon état.
— Elles rouvrent quand exactement ?
— Le 27 août.
Le ton qu’elle emploie n’est vraiment pas courtois, je ne comprends pas pourquoi elle me parle ainsi, elle avait commencé gentiment et calmement.
— Bon et bien, je reviendrai le 27 août alors, au revoir.
Je me lève et sors de l’orphelinat, une femme, qui doit sûrement avoir le même âge que la femme qui m’a parlé, m’interpelle.
— Jeune homme, s’il vous plaît.
Je m’arrête, elle arrive à ma hauteur et m’entraîne plus loin.
— Je peux vous parler un petit peu si vous le voulez, Madame Rina est parfois un peu trop à cheval sur le règlement.
On s’assoit sur un banc, je lui dis :
— Et bien, je vous écoute, qu’est-ce que vous pouvez me dire ?
— Bien voilà, je ne connais pas le nom de l’homme qui vous a amené ici, mais il a dit être votre père, il a dit que lui et votre mère ne pouvaient pas s’occuper d’enfants et donc qu’ils vous confiaient à nos soins. Il y avait un jeune couple qui voulait adopter un petit garçon justement.
— Mes parents, c’est ça ?
— Oui, ils me paraissaient être des gens bien, alors j’ai exigé qu’ils obtiennent votre garde.
— Et je vous en remercie, ils sont extra, vraiment.
— Mais il y a autre chose que vous devez savoir, j’ai entendu que vous cherchiez vos éventuels frères et sœurs.
— Oui, c’est exact, vous savez si j’en ai ? Demandé-je, impatient de connaître la vérité.
— Et bien, quand l’homme vous a amené, il n’avait que vous dans les bras et c’est la seule et unique fois où je l’ai vu ici.
— Oh, alors je suis enfant unique ! Dis-je tristement.
— Non, je ne le crois pas, écoutez. Dit-elle en posant doucement sa main sur mon bras. Vous avez toujours été calme pendant la semaine où vous étiez ici, mais lorsqu’il fallait vous faire dormir, c’était un véritable cauchemar.
— Pourquoi cela ?
— Parce que dès l’instant que la personne qui s’occupait de vous vous posait dans le berceau, vous vous mettiez à pleurer. On a tout essayé, mais rien n’y faisait, alors on vous a couché avec un autre enfant, un petit garçon du même âge que vous.
— Et j’arrêtais de pleurer ?
— À l’instant même où vous sentiez sa présence à vos côtés.
— Waouh ! C’est étrange ça, non ?
— Et bien pas vraiment, en fait je pense que vous avez un frère ou une sœur, mais un jumeau duquel on vous a séparé et vous le cherchiez. La journée, il y avait toujours une présence près de vous, mais pas aux heures de sieste ou la nuit.
— Vous… vous êtes sûre ?
— Oui, c’est une certitude, ce qui m’a fait me poser la question, c’est le fait qu’à l’instant où on vous déposait près de ce garçon, vous preniez sa main et ne lachiez qu’au matin. Comme pour le protéger et seuls les jumeaux ont ce genre de réactions.
— Alors, c’est certain, j’ai un frère jumeau, là quelque part ? Demandé-je sous le choc de la nouvelle.
— Oui et je suis vraiment désolée qu’il vous soit impossible de consulter les archives avant la fin du mois prochain, mais la responsable est en vacances et personne d’autre n’a la clé.
— Ce n’est pas grave, enfin si, mais ça fait presque dix-huit ans qu’on a été séparés, alors deux mois de plus… Maintenant que je sais ça, ça risque d’être très long, mais on rattrapera le temps perdu après.
— Oui, je vous souhaite de le retrouver.
— Merci.
— Au revoir, jeune homme.
— Au revoir.
Pendant le temps de notre discussion, la première femme qui m’a parlé téléphone à un homme et lui dit :
— C’est Doris, de l’orphelinat, vous m’aviez demandé de vous prévenir lorsque le garçon que vous avez amené viendrait poser des questions.
— Oui, il est là ?
— Il vient de repartir, je ne lui ai rien dit comme vous l’avez demandé, je lui ai juste dit qu’il pourrait consulter son dossier quand les archives rouvriront fin août.
— Il ne faut pas qu’il voie ce dossier, il ne doit pas savoir, sinon tout tomberait à l’eau.
— Que dois-je faire ?
— Brûler tous les papiers que vous avez sur lui, brûler tout, il ne faut pas qu’il reste la moindre trace. Ces gamins sont si curieux, je n’aurais pas imaginé qu’ils se chercheraient de cette façon, ce sont les premiers à faire ça.
— Bien, Monsieur, ce sera fait.
— Je compte sur vous Doris, vous connaissez notre accord ?
— Bien sûr, Monsieur.
— Alors à bientôt.
— Oui, au revoir, Monsieur.
Je suis rentré chez moi, je me suis enfermé dans ma chambre pour ne pas être dérangé, j’ai besoin d’être seul.
Je n’arrive pas à y croire, j’ai un frère jumeau, comment nos parents ont pu faire une telle chose ? C’est horrible de séparer des jumeaux.
Plus j’y pense et plus les choses prennent un sens, tout s’explique, le fait que je demandais sans cesse où était mon frère, la caissière du cinéma l’a vu passer, et dire qu’il était à quelques mètres de moi ce soir-là. La fille qui a cru que j’étais son ami Sam, elle m’a en fait confondu avec mon jumeau, on doit vraiment beaucoup se ressembler.
Mes sentiments et mes réactions s’expliquent aussi grâce à cette découverte.
Tout ça, c’est complètement dingue, je me dis que nos parents sont des monstres et que ça risque d’être long jusqu’au 27 août que les archives rouvrent.
J’ai tellement hâte de le retrouver, de lui dire combien je regrette de n’avoir pu grandir à ses côtés. Je me demande s’il vit avec nos parents, je suppose que oui, si le gars n’a amené que moi à l’orphelinat.
Comment il doit le vivre lui ? Est-ce qu’il sait quelque chose ? Est-ce qu’il me cherche aussi ? Qu’est-ce qu’ils lui ont raconté pour justifier mon absence ?
C’est horrible, je me pose trop de questions, encore plus qu’avant.
L’été passe, doucement, trop doucement, j’ai l’impression qu’on n’arrivera jamais au 27 août.
J’ai parfois du mal à tenir en place parce que j’y pense trop, ça me rend dingue de savoir que mon jumeau est là, à quelques mètres ou kilomètres d’ici, et que je ne peux pas être avec lui, c’est de la torture.
Mon jumeau, ma moitié d’âme est là quelque part et nos retrouvailles dépendent d’un dossier coincé dans des archives fermées à clé jusqu’à fin août.

Aujourd’hui, nous sommes le 15 août, il fait un temps horrible, personne n’avait envie de sortir alors je suis resté chez moi.
Là, je suis dans le salon, avec mon père et ma sœur, on regarde la télé tous les deux pendant que notre père lit son journal.
Soudain, il m’interpelle :
— Zacharry, viens voir ça !
Je me lève du canapé et vais le rejoindre à l’autre bout de la pièce, m’assois sur l’accoudoir de son fauteuil et demande :
— Y a quoi de passionnant dans le journal ?
Il regarde rapidement Jennyfer et répond doucement.
— Tu n’es pas le seul à rechercher ton frère.
Je prends le journal et regarde l’annonce qu’il me montre en se levant.
C’est la même que l’autre fois, celle que Maxime m’avait montrée. Il n’a toujours pas retrouvé son frère.
Je relis l’annonce et bloque sur la date de naissance, 12 novembre 1989. Mes yeux ne quittent pas cette date, ce pourrait-il que… Non, ce serait trop beau, mais soyons lucides, ce peut-il que dans cette ville, pas si immense que ça, deux garçons nés le même jour, la même année, cherchent tous les deux leur frère jumeau, mais qu’ils ne soient ni l’un ni l’autre le frère qu’ils recherchent ?
C’est quasiment impossible me direz-vous, oui mais voilà, le quasiment fait toute la différence, il y a une marge d’erreur.
Je réfléchis à toute vitesse et ne sais pas si je lui téléphone ou pas. Si jamais j’appelle, qu’on se rencontre et que l’on se rend compte que nous ne pouvons pas être jumeaux, ça risquerait de lui faire trop de mal.
Quand on lit son annonce, on se rend compte qu’il souffre d’avoir perdu son frère et qu’il est prêt à n’importe quoi pour le retrouver, tout comme moi d’ailleurs.
Mais je ne veux pas être responsable de l’augmentation de sa souffrance parce que je l’aurais fait espérer que je suis son frère alors qu’il y a une petite, mais une chance quand même que je ne sois pas son frère.
C’est trop dur, je ne peux pas prendre une décision en cinq minutes, j’enregistre le numéro dans mon portable discrètement et rends le journal à mon père qui revenait de la cuisine.
Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire, tout peut basculer, en un coup de téléphone, je peux changer nos vies mais aussi les rendre encore plus pénibles.
Je peux retrouver mon jumeau comme faire encore plus de mal à un garçon que je ne connais pas, mais qui ne mérite pas de souffrir plus encore.
La vie est cruelle parfois et nous colle dos au mur avec un choix à faire, seuls évidemment.

Nous sommes enfin le lundi 27 août, il est 14 h 30 et je descends du dernier bus juste en face du centre d’adoption.
J’attends tellement de ce qui se trouve dans mon dossier que j’appréhende un peu, si jamais il n’y avait pas suffisamment d’informations ou pas de nom… je sais pas.
Et puis je n’ai pas téléphoné à ce garçon, je n’ai pas pu me résoudre à lui faire du mal, si jamais je ne suis pas son frère.
Je vois déjà dans quel état je suis depuis que je le sais, alors je ne peux pas lui faire ça.
J’entre dans le centre, la personne qui m’a dit de revenir aujourd’hui est là, ainsi que la personne qui m’a appris pour mon frère, elle me sourit et dit bonjour.
— Bonjour !
— Vous êtes revenu alors. Me dit la première femme.
— Je vous avais dit que je reviendrai.
— Kathy, accompagne-le jusqu’aux archives. Dit-elle à l’autre femme.
— Suivez-moi. Dit-elle gentiment.
On sort par une porte sur le côté de la pièce et nous traversons un long couloir et descendons deux étages.
On se retrouve au sous-sol, elle me fait entrer dans une pièce et dit à la femme qui s’y trouve :
— Ce jeune homme voudrait voir son dossier.
— Bien, je m’en occupe.
La femme qui m’a amené sourit et repart.
— Quel est votre nom, jeune homme ?
— Heu… Sanders, mais c’est le nom de mes parents adoptifs.
— Oui, c’est ainsi que nous classons les archives.
— Ah, d’accord !
— Venez, suivez-moi !
Elle m’entraîne avec elle dans une pièce pas très éclairée avec plein d’étagères et de boîtes posées dessus. Après quelques secondes, elle se stoppe et me montre une boîte avec mon nom.
— Voilà, c’est là.
— Merci !
Elle repart et me laisse seul. Je respire un grand coup, toutes mes réponses se trouvent dans cette boîte.
Je l’ouvre et là, à ma grande surprise, elle est vide, je passe ma main dedans, il y a quelque chose au fond.
Des cendres… Tout ce que contenait cette boîte a été brûlé, mais pourquoi ?
Je sens la rage s’emparer de moi, quelqu’un ne veut pas que je retrouve mon frère, mais j’ignore pour quelle raison.
Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’on a fait ? Ou qu’est-ce qu’ont fait nos parents ?
D’abord, un type que je ne connais pas me dit d’arrêter mes recherches, que je n’avais même pas encore commencées et maintenant quelqu’un a brûlé mon dossier.
Mais c’est quoi le délire là ? ? ? ? ?
En colère, je jette la boîte à terre, les cendres se répandent sur le sol, je sors de la pièce et remonte voir la veille femme qui m’avait presque crié dessus l’autre fois.
J’arrive en face d’elle et lui dis :
— Pourquoi vous avez brûlé mon dossier ?
— Pardon ! Comment j’aurais pu faire une telle chose, je n’avais pas la clé ?
— Ouais, c’est facile comme excuse ! Dis-je en criant.
— Mais calmez-vous !
— Non, je me calme pas, j’avais le droit de savoir et vous foutez tout en l’air, pour quelle raison ?
— Je ne vous permets pas de m’accuser de la sorte, je n’ai absolument rien fait à votre dossier.
— Bien sûr, il s’est réduit en cendres tout seul, comme par magie.
— Et bien…
— Pas la peine de répondre, vous foutez pas de moi en prime, je sais que c’est vous qui avez fait ça et je vous promets de trouver la raison et de vous le faire payer.
Après ces gentilles paroles, je sors en colère et claque la porte derrière moi.
La femme de l’autre fois, celle qui m’a parlé de mon frère, me rejoint à l’arrêt de bus et me dit calmement :
— Je suis désolée, je ne sais pas comment cela a pu arriver.
— C’est pas votre faute, mais un double de clé, c’est pas compliqué à faire.
— C’était votre seul espoir ? Demande-t-elle tristement.
— Ouais… mais je n’abandonnerai pas, jamais, vous pouvez en être sûre. Je ne sais pas ce qui se passe mais je le découvrirai et chaque personne impliquée devra rendre des comptes.
— J’ignore ce qu’il y a derrière votre histoire, mais Madame Rina n’est pas méchante à ce point.
— Vous savez, certaines personnes sont prêtes à tout si on sait comment les amadouer.
Le silence s’installe, au bout de quelques minutes elle me demande :
— Vous allez faire quoi maintenant ?
— Je ne sais pas… mais je n’abandonnerai pas, je ne l’abandonnerai pas, jamais.



          Voilà un livre qui parle un peu du même sujet que mon roman. De jumeaux séparés.
Le titre du roman est : L'enfant de tous les silences de Kim Edwards
L'histoire c'est:  David et Norah Henry sont mariés depuis un an et attendent leur premier enfant. En plein mois de mars 1964, une terrible tempête de neige s'abat sur le Kentucky. David, médecin orthopédique, est contraint d'accoucher sa femme au cabinet médical aidée par Caroline Gill, son infirmière. Problème : en 1964 l'échographie obstétricale n'est pas au rendez-vous. Et nul ne sait que Norah attend en fait des jumeaux. Un petit garçon naît, suivi quelques minutes plus tard, à la surprise de son père, d'une petite fille. Et là c'est la consternation, elle est trisomique. Devant le faciès de l'enfant, la perspective des complications qui s'annoncent, du poids à vivre avec un handicapé, le Dr Henry prend, seul, la décision de ne pas garder l'enfant. Il la confie à Caroline, lui demandant de l'emmener dans un institut spécialisé. Et annoncera à sa femme que la petite est morte à la naissance. Mais la mécanique s'enraye, Caroline, arrivée dans le mouroir que sont ces instituts à l'époque, décide de garder l'enfant et de l'élever seule. Deux histoires débutent alors, en parallèle permanent, celle de l'éducation d'une petite trisomique dans l'Amérique d'alors, et celle de ce couple qui souffre pour l'un du mensonge pour l'autre d'une insatisfaction inexpliquée. Jusqu'à ce que ces histoires se croisent…


       Il existe beaucoup de romans sur le thème des jumeaux, de la gémellité, et on en trouve un grand nombre sur ce site là : Babelio

       Il y a un film aussi, qui s'intitule Trouble de Harry Cleven sorti en 2003.
L'histoire c'est :  Matyas, jeune père de famille, a toujours pensé qu'il était orphelin. Il apprend un beau jour que sa mère vient de décéder et découvre qu'il a un frère jumeau. Sa vie familiale s'en trouve bouleversée...
       On peut également penser à Unborn de David S Goyer sorti en 2009
 L'histoire c'est : Parfois l’âme d’une personne décédée est tellement marquée par le mal qu’elle ne peut accéder au paradis. Elle est condamnée à errer sans fin entre les mondes à la recherche d’un nouveau corps à habiter.  Et parfois, elle y parvient. Casey Beldon ne pardonne pas à sa mère de l'avoir abandonnée en bas âge. Devenue une brillante étudiante, elle pense en avoir fait son deuil lorsque des cauchemars récurrents commencent à troubler ses nuits, bientôt suivis de visions macabres de plus en plus terrifiantes. Craignant de sombrer dans la folie, Casey se tourne vers le rabbin Sendak. avec l'aide de ce dernier et de son petit ami, elle met à jour une malédiction familiale remontant à l'époque nazie.